Pourquoi toutes les marques doivent avoir une stratégie Amazon

Par Xuoan D. le 22/01/2025

Temps de lecture : 7 min

Et même si leurs produits n'y sont pas vendus.

Le saviez-vous ? Même Airbus est sur Amazon. Non pas pour vendre des A380 en un clic, mais pour protéger sa marque tout en valorisant ses partenaires. Une stratégie qui en dit long sur l’emprise du géant de Seattle dans l’e-commerce.

C’est ce que nous explique François Garcia, ex WPP et fondateur de l’agence WoW lancée en 2022 dans cette interview exclusive pour la Réclame .mark&tech. Alors que certaines marques hésitent encore à franchir le pas et préfèrent cultiver leurs propres boutiques en ligne, Amazon représenterait déjà 60 % des recherches e-commerce en Europe, loin devant un certain… Google. De quoi interroger sur le fait de rejoindre ou non la plateforme de Jeff Bezos !

Qu’est-ce qui vous a poussé à créer une agence Amazon et e-retail en 2022 ?

François Garcia : Mon objectif est d’apporter à mes clients  le service qui me semble le plus important en ce moment : la transformation digitale de leur business. Et pour moi, le meilleur moyen de mener celle-ci aujourd’hui, c’est l’e-commerce. Et qui dit e-commerce, dit Amazon. 

Pourquoi ? Premièrement, c’est le site e-commerce le plus puissant. Ensuite, c’est celui qui donne le plus d’outils en self-service aux marques pour exprimer la valeur ajoutée de leurs produits.

En Europe, nous avons de belles marques qui ont beaucoup d’histoire, de contenus, de choses à exprimer, notamment en vidéo. Amazon devient le plus bel écrin possible pour ces marques, et à un niveau mondial, puisque Amazon est présent quasiment partout dans le monde, sauf en Chine et dans quelques autres pays. 

Toutes les marques ont-elles vocation à être présentes sur Amazon ?

F.G. : Toutes les marques mondiales, reconnues, et qui ont une image à défendre se doivent d’être actives sur Amazon.

Prenons le cas d’Airbus que nous accompagnons. Airbus ne va pas vendre des avions en “1-Click” sur Amazon. Pourtant, Airbus a une stratégie Amazon. Pourquoi ? Car dans l’aviation, il y a énormément de fans qui achètent des porte-clés, des casquettes, des maquettes, etc. Airbus a un service de licences où ils sélectionnent des partenaires qui payent des royalties pour l’utilisation de la marque Airbus. C’est le cas de Lego, Daron ou Revell (modélisme) notamment. Ces official licensed products sont vendus par ces marques sur Amazon. Jusqu’ici, tout va bien.

Mais sur Amazon, il pourrait aussi y avoir des produits dérivés Airbus sans licence, des contrefaçons. En tant qu’agence, nous “screenons” cela pour Airbus et toutes ses références d’avions et d’hélicoptères. Cela permet à la marque de contrôler son image sur Amazon, mais aussi de contractualiser avec de nouveaux partenaires, car parmi ceux sans licence, il peut y avoir des produits de qualité, qui se vendent bien. Airbus a tout intérêt à ce qu’ils restent sur Amazon après avoir mis en ordre la partie légale.

Une fois ce travail fait, Airbus peut avoir sa propre boutique officielle sur Amazon avec ses propres vidéos, visuels de marque et des produits mis en avant… sans rien vendre directement. Cette boutique pouvant être soutenue par des brand ads, visibles par une partie des 180 millions de visiteurs uniques mensuels d’Amazon en Europe.

Quel est votre premier conseil quand une marque souhaite renforcer sa présence sur Amazon ?

F.G. : Ma recommandation initiale sera de se faire accompagner – sauf si la marque a des ressources en interne – car l’écosystème Amazon est complexe. Et surtout, de démarrer le plus tôt possible. Car l’un des éléments clés de la réussite sur Amazon est d’avoir des avis. Or, cela prend du temps d’avoir des centaines ou des milliers d’avis sur une fiche produit Amazon. Pourtant, c’est un élément de réassurance énorme. Il n’est pas nécessaire de dépenser énormément en Amazon Ads dès le début pour cela, il faut partir à point.

Concrètement, la première étape pour toute marque sera de s’inscrire sur le Brand Registry d’Amazon. Cela lui permettra de reprendre le contrôle de ses fiches produits, de protéger ainsi sa marque et d’avoir un droit de regard sur les contenus qui la concerne. Les bénéfices sont énormes : cela permet de faire de la protection de marque sur l’un des sites les plus visités au monde, d’écarter les contrefaçons et de mettre en avant les partenaires officiels. La question de comment on vend va aussi se poser : en direct ou via des revendeurs ? Mais on peut tout à fait protéger sa marque sur Amazon, avoir la main sur les contenus des fiches produit, tout en continuant à déléguer la vente à des revendeurs.

Une marque peut-elle faire de la publicité sur Amazon sans y vendre ses produits ?

F.G. : Une marque peut acheter sur Amazon de la publicité pour sa marque. Typiquement, c’est ce qu’Airbus fait. Cela redirige vers la boutique officielle, où sont listés les produits officiels, vendus par des revendeurs. Pour la marque, cela garantit que le client final voit les bonnes fiches produits, avec les bons contenus et images, tout en laissant aux revendeurs les transactions.

Pour autant, vendre en direct peut-être une option. L’Oréal le fait aux US avec Lancôme par exemple. Le fullfillment [la logistique, NDLR] est assuré par Amazon, mais c’est L’Oréal le vendeur.

Les marques ont-elles plutôt intérêt à vendre sur Amazon ou à privilégier leurs sites e-commerce ?

F.G. : Je crois que les marques en sont encore au stade du “Je t’aime moi non plus” avec Amazon. D’un côté, Amazon représente une stratégie hyper intéressante, mais pas suffisamment connue et valorisée par les directions marketing. Amazon n’est pas encore totalement intégré dans la stratégie e-retail et e-commerce des marques. 

Les marques ont davantage aujourd’hui une stratégie B to C en tant de faire exister leur propre e-commerce Shopify avec leurs moyens. Or, on observe qu’aujourd’hui, Amazon est le point de départ de 60 % des recherches e-commerce en Europe, Google et consorts se partageant les 40 % restants. Une marque qui crée son propre e-commerce ne sera pas ou peu visible pour 60 % des shoppers.

Pourtant, les deux leviers peuvent être complémentaires. Amazon peut servir à faire découvrir une marque à un internaute, qui pourra – si la marque est suffisamment convaincante et riche – se rendre ensuite sur le site de la marque pour en savoir plus, et qui sait commander directement sur son e-commerce. Amazon peut être un formidable pourvoyeur de trafic pour les sites de marques.

Il faut avoir en tête qu’en Europe, nous n’avons pas de GAFA. En revanche, nous avons les meilleurs contenus. Et ces contenus proviennent de marques que le monde entier nous envie. Donc autant se servir des GAFA comme contenants de nos contenus. Il y a Amazon, donc l’efficacité des Amazon Ads est incroyable, cela convertir particulièrement bien, car elles s’adressent à un public d’acheteurs.

Mais il y a aussi d’autres marketplaces qui peuvent s’avérer très intéressantes pour les marques. ll faut surtout éviter de n’être dépendant que d’un canal de trafic. Les e-commerçants qui ont tout misé sur Google Ads, avec de faibles marges, se mordent les doigts face à l’augmentation continue des enchères Google Ads.

Quelles évolutions récentes et à venir d’Amazon pourraient intéresser les marques ?

F.G. : Premièrement, la bascule qui s’opère entre les ventes 1P (first party) et 3P (third party). Initialement, Amazon a privilégié le 1P, en achetant et revendant les produits, comme ce qu’a toujours fait la grande distribution. Mais depuis, le modèle 3P, celui de la marketplace avec des revendeurs, prend de l’ampleur, si bien qu’Amazon le privilégie. Les marques ont tout intérêt à tester les deux approches, voire, à les hybrider.

Il y a de nombreuses innovations sur le contenu, comme les contenus A+ Premium, les Brand Story, et la mise en avant des produits avec des images grand format et des animations. Cela évolue tout le temps. 

Toute la partie DSP d’Amazon évolue énormément. La publicité est arrivée sur Prime Video, le DSP permet de toucher des partenaires en dehors d’Amazon, la société de Jeff Bezos se plaçant désormais comme un concurrent sérieux en frontal de Google et de Meta. [depuis la tenue de cette interview, Amazon a même déployé ses outils d’adtech pour des sites tiers, NDLR]

Côté verticales, ce que fait Amazon dans l’automobile me parait très intéressant. Sur certains marchés, vous pouvez commander vos pneus en ligne et prendre rendez-vous dans un garage près de chez vous grâce à Amazon. Vos véhicules s’enregistrent pour ne commander que les pièces compatibles. D’autres marques vont encore plus loin, en vendant directement des voitures sur Amazon. C’est le cas aux États-Unis et cela devrait arriver en Europe en 2025. 

Et plus globalement ?

F.G. : À terme, toutes les marques qui ont aujourd’hui un site e-commerce vont aller sur Amazon. Et le plus tôt sera le mieux pour elles, compte tenu de l’acculturation nécessaire sur cette plateforme. La plateformisation du digital va continuer.

Il y a eu une effervescence des marketplaces spécialisées ces dernières années, mais je crois que les marques n’en auront plus besoin à l’avenir, à partir du moment où elles auront des espaces à elles, hyper qualitatifs, sur une marketplace généraliste comme Amazon. La marketplace qui l’emportera sera celle qui apportera le meilleur service. Et Amazon a quelques atouts pour cela.

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