Pourquoi 2/3 des solutions marketing ne sont pas utilisées après achat

Par Jérémy Lacoste le 19/12/2024

Temps de lecture : 5 min

Et si on arrêtait la gabegie ?

Une fois de plus, nous sommes ravis de retrouver Jérémy Lacoste, contributeur sur la Réclame. Jérémy est Head of Acquisition, Web Analyse & CRM Marketing de Meilleurtaux. C’est un expert du marketing digital, des martech et de la publicité en ligne. Il a pour grande qualité de partager chaque semaine ses analyses et observations, que ce soit dans son podcast Déclick, sur LinkedIn, en tant qu’enseignant ou désormais dans ses tribunes sur la Réclame.

+27,8%. C’est la croissance du nombre de solutions marketing cette année, dépassant ainsi le palier des 14 000. Une dynamique qui frise même la surchauffe, car en cinq ans, ce volume a même doublé ! Et ce, malgré des effets de consolidation encore timides avec quelques rachats ici et là.

(Source : Chiefmartec)

(Source : Luma)

Si l’offre est forte, c’est qu’en face la demande l’est tout autant. Côté organisation marketing, le besoin d’outillage semble de plus en plus prégnant comme le montre la tableau ci-dessous. Près des ⅔ disposent à minima de 3 outils ou plus dans leur stack technologique :

S’équiper c’est bien, mais pour quoi faire ? Et c’est là que le bât blesse. D’après la dernière étude Survey CMO, plus d’un directeur marketing sur deux estiment que son entreprise sous-utilise massivement les fonctionnalités des solutions achetées. Pire, ils pensent que 2/3 des outils ne sont tout simplement pas utilisés si l’on en croit le Gartner cette fois-ci… Un gaspillage énorme d’autant quand on sait que près de 25% du budget marketing d’une entreprise est consacré aux outils

Fort de cette prise de conscience, la tendance devrait s’inverser normalement ? Pas vraiment puisque les dernières projections établissent même que d’ici à 2029, les outils concentreront ⅓ du budget marketing (source). 

Pour le dire en un mot : les directions marketing s’outillent donc de plus en plus en y consacrant des budgets croissants pour… un usage qui recule.

Comment expliquer cette incongruité ? J’y vois 3 pistes : 

1. L’absence de monitoring

La cartographie des outils dans les organisations est souvent un impensé. Qui aujourd’hui est capable de dire combien d’outils sont utilisés dans son département marketing et leur taux d’usage ? Absence de monitoring ; ownership flou ; gestion bancale des droits ; non suivi des dates de renouvellement automatiques… évidemment que cela pêche.

En parallèle, il y a aussi une forte disparité sur l’expertise outil en interne. Hormis les 2-3 solutions leaders dans chaque organisation, il existe généralement pléthore d’outils peu ou mal maitrisés ; pas vraiment identifiés ; marginalement interfacés à la stack, etc. Résultat : on peut vite se retrouver avec des doublons, du recouvrement de fonctionnalités ou à l’inverse des solutions sur-dimensionnées par rapport aux besoins de l’entreprise. Dans les 3 cas, c’est la facture finale qui enfle

2. Le fait du prince

C’est le fameux : « Oui, mais on a toujours fait comme cela ». Dans les grandes organisations avec multiples filiales, le besoin de convergence technologique est souvent confronté à une résistance au changement. Car ce sont des outils historiques, que l’expertise est déjà présente, qu’il existe un nombre incalculable de workflows qu’il serait chronophage de refaire… l’histoire est connue.

À l’inverse, il n’est pas rare que certaines directions souhaitant prendre la tangente mènent de leur côté leur propre stack technologique en dehors des guidelines du groupe. Manière de jouer l’indépendance. C’est le fameux : « Oui, mais nos besoins sont différents ». Spoiler : c’est faux dans 95% des cas (source : moi-même.)

Enfin, n’oublions pas les logiques personnelles de carrière où il peut y avoir la tentation de contractualiser avec telle ou telle solution, indépendamment de la vélocité du besoin. Façon ici d’augmenter son employabilité au frais de l’entreprise.

Quoi qu’il en soit, la conclusion est la même puisque travaillées par ces trois logiques, les organisations se retrouvent donc à composer avec une inflation technologique monstre, rendant ardue toute stratégie martech efficace.

Un exemple : en arrivant chez Meilleurtaux, il n’y avait pas moins de cinq outils de Marketing Automation dans le groupe. Quatre ans après, à force de migrations (parfois à marche forcée) il n’y en a plus qu’un. De quoi simplifier le pilotage.

3. La survalorisation technologique

La brique technologique est aujourd’hui vue comme la solution à tout. Et pourtant à tort. Un peu comme l’argent magique, après 10 ans de frénésie forte à s’ultra-équiper en SaaS en tout genre, les CMO commencent à faire le constat qu’il n’y a pas d’outils magiques. Et qu’au-delà du coût de la licence, il y a des coûts cachés.

D’abord celui de leur non-utilisation ; mais surtout celui de leur déploiement et de leur pilotage à l’inverse. Combien de départements marketing ont souscrit à une solution pour adresser une vraie problématique business en CRM / CRO / UX / product analytics / sales (cochez les mentions inutiles) et se sont rendu compte six mois après que… pas grand monde s’y était intéressé ; personne ne l’utilisait vraiment ou pire qu’il n’y avait pas encore de bande passante pour la déployer. Il faudrait trouver un nom à ces outils pas encore en prod, mais dont les organisations payent depuis des mois des fees.

Car j’enfonce une porte ouverte : la réponse technologique doit s’accompagner d’un pilotage humain et ne doit pas s’y substituer. C’est primordial pour l’interfaçage dans la stack présente ; dans la définition des use cases ; dans l’analyse des performances.

Un chiffre : Forrester Consulting et Investis Digital ont estimé à 12% le gaspillage budgétaire lié aux solutions mal déployées dans les organisations. (source).

À quand la création d’un responsable Martech dans les entreprises pour donner du sens à tout cela ?

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