Pour la Saint-Valen­tin, elle a aidé ses clients à trouver l’amour. Avec la lingerie Garance, elle s’est engagée à refa­çon­ner le regard que la société porte sur le cancer du sein. Ses campagnes marketing inspirent et ses packa­gings donnent le sourire : Monoprix, la marque qui voulait réen­chan­ter le quotidien, a réussi à se réin­ven­ter comme une icône de la grande dis­tri­bu­tion avec de petites blagues et de beaux gestes. Rencontre avec une marque qui parle, mais qui fait aussi.

Monoprix du storytelling au storydoing 2

Monoprix : un storytelling fort

Trans­for­mer la corvée des courses en créant une véritable com­pli­cité à chaque visite : voilà la mission que s’est fixée Monoprix. Le résultat est sans appel : en un peu moins de dix ans, le dis­tri­bu­teur a réussi à émerger sur son marché, à dis­tan­cier ses concur­rents et à créer une lien émo­tion­nel fort avec ses consom­ma­teurs.

Le rebran­ding de la marque a joué un rôle clé dans cette stratégie marketing qui séduit des millions de français. Les packa­gings humo­ris­tiques ont gagné la bataille face à des dis­tri­bu­teurs qui ne com­mu­ni­quaient que sur la guerre des prix : un choix audacieux qui a porté ses fruits. « Dans l’ADN de Monoprix, il y a cette notion de réen­chan­te­ment du quotidien », explique Nicolas Gobert, Directeur Image et Marque de l’en­seigne. « Et quoi de mieux que de passer par le packaging pour trans­mettre un message et une émotion ? »

En 2010, le choix était par­ti­cu­liè­re­ment audacieux. « À l’époque », raconte-t-il, « il était inen­vi­sa­geable de com­mer­cia­li­ser des packa­gings qui mas­quaient le produit. » La pro­po­si­tion créative a bou­le­versé les codes et a trans­formé le produit en support de com­mu­ni­ca­tion – un levier de proximité très fort avec les consom­ma­teurs : « aujour­d’hui, on n’achète plus seulement un produit, on achète la conni­vence, la petite blague ».

Les Monojis de Monoprix du storytelling au storydoing

Du storytelling au story-doing

Sans rien perdre de son angle feel-good, Monoprix propose également des campagnes qui réus­sissent à sortir de l’éti­quette « bullshit » qui colle à la com­mu­ni­ca­tion pour entrer dans l’action, proposer des services, s’engager auprès de ses consom­ma­teurs. Ainsi, en 2017, la marque s’allie à la lingerie Garance pour refa­çon­ner le regard que la société porte sur le cancer du sein à travers une série de stories Instagram réver­sibles – un format novateur et efficace qui place le sto­ry­tel­ling au premier plan, et qui emmène la marque plus loin, sur le terrain du « story-doing ».

Derrière ce story-doing qui trans­forme les grands principes et les belles campagnes en actes concrets, un mouvement de fond émerge dans la com­mu­ni­ca­tion. « Dans un contexte publi­ci­taire global de plus en plus intense, les consom­ma­teurs sont réfrac­taires à la com­mu­ni­ca­tion », analyse Nicolas Gobert. « Tout le monde a un AdBlock, les ‘stop pub’ pullulent sur les boîtes aux lettres : il y a un rejet global de cette publicité sur­con­som­mée qui, pendant des années, a desservi les marques ».

Pour se différencier et survivre, les marques doivent s’engager

Le contexte sociétal lui donne raison : « nous sommes dans un monde hyper-émo­tion­nel où les consom­ma­teurs expriment et reven­diquent leurs opinions, dans la rue ou sur les réseaux sociaux. Dans un monde où l’on ne contrôle pas grand-chose, consommer telle ou telle marque devient un acte militant. »

Cela est d’autant plus vrai alors que l’exi­gence de valeurs, de trans­pa­rence et d’au­then­ti­cité envers les marques n’a jamais été aussi forte chez le grand public. Cette tendance, déjà exploitée par de nombreux acteurs, participe pro­gres­si­ve­ment à redéfinir le rapport entre marques, société et consom­ma­teurs. « Aujour­d’hui, une marque doit s’engager pour créer la pré­fé­rence. Celles qui ne s’en­gagent pas dis­pa­raî­tront natu­rel­le­ment », explique Nicolas Gobert.

C’est ce qu’a démontré Nike aux Etats-Unis, en prenant Colin Kae­per­nick, sportif très contro­versé, comme égérie d’une campagne. Si les premières réactions ont été négatives, du boycott aux vidéos de Nike brûlées sur les réseaux sociaux, en passant par des tweets toni­truants de Donald Trump et une chute en bourse, la courbe s’est fina­le­ment inversée en faveur de la marque. Les soutiens se sont peu à peu mul­ti­pliés, les ventes se sont accé­lé­rées et les actions n’ont jamais été aussi cotées que dans la contro­verse. Sans entrer dans une stratégie du choc, « l’audace de la campagne a dévoilé le pouvoir que les marques pouvaient avoir en décidant d’in­ves­tir sur des messages impor­tants et utiles », révèle Nicolas Gobert.

Derrière les jeux de mots rafraî­chis­sants sur fond bayadère qui ont façonné l’aura de Monoprix se cache donc un duo gagnant, aux fon­de­ments de son succès. Mais si l’en­ga­ge­ment et l’audace lui ont permis de passer de « dis­tri­bu­teur » à « marque », l’en­seigne devra aussi faire face à des concur­rents inspirés qui se sont, ces deux dernières années, approprié l’émo­tion­nel et l’en­ga­ge­ment pour entrer dans la course.