Edouard Fillias, Président Fondateur de JIN, un groupe de relations publiques de 140 experts, et Laurence Jacquillat, Fondatrice et Présidente de l’agence santé LJ Com qui vient de rejoindre le groupe JIN, nous présentent les enjeux de la communication santé et le nouveau rôle des agences de communication.

Quels sont les récents bouleversements dans l’univers de la santé ?

Laurence Jacquillat : La santé est devenue, cette année, la préoccupation principale des Français, juste avant le pouvoir d'achat, comme le montre la dernière enquête du Cese (Conseil économique, social et environnemental). La difficulté d’accès aux soins et notamment aux médecins spécialistes, renforcée par des disparités territoriales, inquiète les Français. Chez les jeunes, ce sont les problèmes de santé mentale qui sont devenus un enjeu majeur depuis la crise du Covid (OMS). Chez les seniors, le sentiment de dégradation de la santé est également en hausse, en partie à cause de l’isolement. 

Nous assistons aussi à un changement de paradigme où la santé s’est invitée dans de nombreux actes de la vie quotidienne. Les consommateurs prennent conscience que les enjeux de santé dépendent des interactions avec leur environnement comme la pollution de l’air intérieur et extérieur, de la qualité de leur alimentation, les différents biens de consommations qu’ils utilisent. On a ainsi vu récemment des crises sanitaires autour des poêles et des cosmétiques à cause de leurs polluants éternels, autour des produits phytosanitaires reconnus début octobre comme responsables de la mort de la petite Emmy atteinte d’une leucémie après avoir été exposée à des pesticides dans le ventre de sa mère fleuriste, une guerre nouvelle contre les perturbateurs endocriniens qui diminuent la fertilité, une traque à la création de nouvelles bombes climatiques polluantes, etc. Ce sont des problématiques globales, qui dépassent le simple spectre médical.

C’est ce que nous appelons le "One Health" : la santé de l’Homme est intimement liée à celle de la planète, de l’animal et de l’environnement.

Comment les nouvelles technologies comme l’IA vont-elles bouleverser le secteur de la santé ?

Edouard Fillias : La technologie, à condition d’être utilisée de manière éthique, joue un rôle de facilitateur. La prévention et le diagnostic vont évoluer grâce à l’IA, transformant certains métiers médicaux au passage. Pour les patients, cela se traduit par un traitement plus rapide et de meilleures chances de guérison. D'après un sondage IFOP réalisé pour Sanofi, 81% des médecins estiment que l'intelligence artificielle pourrait aider à améliorer le diagnostic des maladies rares. Les soins vont aussi évoluer, d’une part avec des technologies nouvelles, comme l’ARN Messager désormais utilisé pour un nouveau vaccin hors Covid, et d’autre part une meilleure gestion des données permettant une connaissance plus fine de certaines pathologies. On peut également imaginer une meilleure relation patients/professionnels de santé avec une prise en charge et un suivi plus personnalisés. Les MedTech, ces entreprises à la croisée de la santé et de la technologie, joueront un rôle clé dans la communication autour de la santé. 

Qu’est-ce qui a changé pour les acteurs de la santé dans leur façon de communiquer ? 

E.F. : Le secteur de la santé s’est complexifié ces dernières années, avec de plus en plus d’acteurs qui prennent part à la discussion, une facilité pour les patients à manifester leurs interrogations grâce aux médias sociaux et l’immersion de problématiques en lien avec la santé dans tous les domaines du quotidien. Il en ressort un paysage complexe, chargé d’informations, dans lequel les professionnels de santé peuvent avoir du mal à procurer la bonne information, au bon moment et à la bonne personne. 

L.J. : En plus de faire face à une forte contrainte réglementaire, les entreprises du secteur de la santé sont également attendues sur des sujets transverses comme la RSE. On voit aujourd’hui que la communication santé ne se limite plus à la valorisation d’innovations thérapeutiques, elle inclut une dimension environnementale et sociale. On peut aussi noter la nécessité d’avoir une démarche de communication moins verticale vis-à -vis des patients et du grand public en les engageant directement dans nos dispositifs : événements interactifs et pédagogiques, ateliers, temps d’échanges avec les professionnels de santé…

Quel est le rôle des agences de communication santé dans ce paysage complexe ?

L.J. : Pour rebondir sur le point d’Edouard, si auparavant seules les institutions et l’industrie pharmaceutique prenaient la parole, aujourd’hui influenceurs et même individus auto-proclamés émetteurs d’informations sont entendus. Cela complique la diffusion d'une information fiable. Le rôle des agences sera donc crucial pour trier les informations et garantir leur justesse. Pour cela les agences ne peuvent pas faire l’impasse sur des profils véritablement experts de l’écosystème et des contraintes réglementaires de la santé. C’est le cas au sein du groupe JIN où nous avons une équipe de 40 consultants, rassemblant toutes les expertises de l’influence digitale (stratégie digitale, PR, réputation des dirigeants, réseaux sociaux, événementiel, AP, etc.) dédiées à la santé.

E.F. : Par ailleurs, pour naviguer dans ce paysage mouvementé, je crois à un modèle d’agence fondé sur la data pour mettre en place des stratégies à impact. C’est pour cette raison que JIN s’est rapprochée en 2022 d’Opinion Act, l’un des principaux cabinets de veille et d’études social media. Depuis deux ans, nous misons sur l'essor de l'IA pour permettre à nos clients de gérer leur communication à partir des données. Cela fait de nous aujourd'hui l'une des premières agences à s'engager dans les "data-driven PR" au service de l’impact de nos clients. 

L.J. : J’ajouterai aussi que la communication santé est une immense responsabilité : elle impacte directement la vie des gens. Il convient, plus que jamais, d’être d'une extrême rigueur. Les acteurs de la communication se doivent de proposer une information juste, nuancée mais vérifiée.