News de l'agence Edelman France
TRIBUNE : INFLUENCER OU ÊTRE INFLUENCÉ : EST-CE L’AVENIR DE L’HOMME ?
Cette tribune née de l’ouvrage « les dessous des tendances », écrit par Julien Féré avec la complicité de Anne-Cécile Thomann (co-ceo d'Edelman) s’interroge sur le rôle des influenceurs dans notre société. Clés de voûte de la diffusion des tendances, ces figures font l’objet de fantasmes et semblent reléguer ceux qui n’en font pas partie au rang de suiveurs. Mythe ou réalité ? Une plongée dans le monde de l’influence et son futur proche…
8 juillet 2022
On dit que nous sommes « une société de l’influence », en dehors de ces diffuseurs de tendances, point de salut ?
JULIEN FÉRÉ :
" Si on définit l’influence comme le fait de faire vanter un produit ou un mode de vie par des personnes qui détiennent une autorité, l’origine de l’influence remonte (au moins) au XVIIeme siècle et l'un des plus grands influenceurs de notre histoire (française) est Louis XIV. Dans l’ouvrage, un chapitre étudie la façon dont le monarque régissait les goûts et les modes de sa société, en diffusant de façon concentrique ses points de vue sur le monde, tant sur plan culturel que politique ou social, en se servant notamment de la figure des courtisans comme pivots. Au XXeme siècle, les grandes stars de la chanson ou du cinéma ont incarné ce même rôle, et l’avènement des réseaux sociaux a fait naître un nouveau type d’influenceurs, non pas grâce à une position politique majeure ou d’une starification culturelle, mais une expertise reconnue représentée par le nombre de suiveurs sur leurs différents réseaux. "
ANNE-CÉCILE THOMANN :
" L’influence ne se ferait-elle que sur les réseaux sociaux ? Il serait caricatural de croire que tout se joue sur la toile, car les décisions administratives, politiques ou commerciales appartiennent toujours à un cercle restreint de ceux qu’on appelle en marketing « les Key Opinion Leaders ». Ils sont à la tête des entreprises, des administrations, ont des fonctions politiques nationales ou locales et peuvent infléchir et prendre une décision qui peut bouleverser la situation d’un secteur, de gens, d’un territoire. Certains testent d’ailleurs avec plus ou moins de succès les codes des influenceurs en s’appropriant certaines tendances. Ce fut le cas du Président Emmanuel Macron qui s’est prêté au jeu du « concours d’anecdotes » en mai 2021 sur la chaine Youtube de Mcfly et Carlito. "
Les réseaux sociaux vont-ils tous nous conduire à devenir des influenceurs ?
JULIEN FÉRÉ :
" Si on sort du champ professionnel, effectivement, toute personne qui possède un réseau social exerce une forme d’influence, et ce dans les deux sens. Elle est influencée, par les contenus qu’elle consomme et les personnes (proches comme sa famille ou ses amis, ou moins proches voire inconnues) qu’elle suit, et influence ceux qui la suivent de façon plus ou moins consciente
Mais derrière cet apparent équilibre, et même si les influenceurs semblent naître de façon spontanée, des gloires se font et se défont du jour au lendemain.
En réalité, devenir influenceur n’est pas une mince affaire, et c’est un « travail » quotidien qui demande plusieurs qualités : des connaissances artistiques et techniques pour produire des photos, des vidéos, des textes notamment, des connaissances numériques pour maîtriser les différents canaux des réseaux sociaux, leur fonctionnement et la façon de valoriser les contenus et des connaissances commerciales pour pouvoir monétiser les audiences ainsi créées. Derrières une illusion de facilité, les influenceurs qui vivent de ce métier sont des professionnels aguerris. Ils ne sont plus dans la conversation sur les réseaux mais dans l’imposition à des fins mercantiles. "
ANNE-CÉCILE THOMANN :
" Un préalable à cela : avoir des choses à dire et partager. Pour être influent au-delà du cercle de ses proches, il faut mettre sur le devant de la scène des contenus inédits qui puisent dans les tendances émergentes ou existantes mais qui n’ont pas encore été abordées ou traitées massivement. Et l’authenticité est essentielle. Elle passe par la capacité à manier l’humour, l’autodérision avec brio afin de créer un climat de confiance mais aussi d’ouverture sur tous les sujets, même les plus intimes. Or tout le monde ne maitrise pas les codes de l’approche participative permettant de travailler aussi le sentiment d’appartenance propre aux réseaux sociaux. Réussir à créer cela nécessite beaucoup de professionnalisme. "
Les influenceurs sont-ils vecteurs de créativité et d’innovation ou au contraire d’homogénéisation du goût ?
JULIEN FÉRÉ :
" L’éclatement du nombre d’influenceurs a conduit à créer une mosaïque de communautés et une diversité de goûts qui peut sembler étourdissante. Quand les médias (ou les égéries) traditionnels donnaient des lignes claires, il semble que la multitude d’influenceurs développe la créativité et la diversité. Cependant, en rendant la frontière entre publicité et contenu éditorial floue (difficile parfois de savoir quand il s’agit d’une « collab » comme ils disent), ils ont également dégradé le lien de confiance, rendant la promotion de leurs contenus souvent promotionnelle…"
ANNE-CÉCILE THOMANN :
" La créativité et l’innovation alimentent naturellement les piliers de la confiance envers les influenceurs*. C’est la raison pour laquelle, à la fin, certains se distinguent plus que d’autres : ils ont gagné la confiance de leur communauté. La bonne nouvelle, et c’est le propre des communautés, c’est qu’elles sont exigeantes et ont des critères de sélection naturelle qui challengent les influenceurs et leur impose au quotidien de se distinguer des autres. "
*Edelman 5 piliers de la confiance : la compétence, la fiabilité, l’intégrité, l’utilité et la pertinence