Un turnover divisé par 2.
Cette interview fait partie de notre numéro spécial IA.
Comment former 3 000 collaborateurs répartis dans tout un réseau de franchises sans mobiliser à chaque fois un studio, un formateur et une demi-journée ? Chez Guy Hoquet, la réponse est venue de l’IA. Le réseau immobilier a lancé, avec l’agence Brainsonic, une nouvelle génération de contenus pédagogiques s’appuyant sur des avatars vidéo, créés à partir de leurs propres formateurs. Une manière d’industrialiser la formation tout en conservant un ancrage humain.
Pour la Réclame, Delphine Herman, directrice de l’offre, de la marque et des relations extérieures de Guy Hoquet, revient sur les enjeux, les résultats – un turnover divisé par deux – et les perspectives de ce dispositif déjà étendu au recrutement… et bientôt à d’autres réseaux de franchise.
Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste précisément l’intégration des avatars IA dans la stratégie de formation et de recrutement chez Guy Hoquet ?
Delphine Herman : Au départ, l’intégration des avatars IA répondait à un besoin de formation et de recrutement plus efficace. Nous avons une plateforme d’e-learning depuis quatre ans, qu’il fallait alimenter régulièrement avec des contenus vidéo. Les formats précédents – tournages en studio avec comédiens ou motion design – étaient coûteux, longs à produire et peu engageants. Nous avons donc repensé notre approche autour de modules très courts, de deux minutes maximum, chacun dédié à un « geste » métier précis.
C’est en découvrant le travail de Brainsonic avec Thomas Huchon que j’ai envisagé l’option des avatars IA. Leur technologie permet de générer une vidéo quelques heures après rédaction d’un script, à partir d’un avatar déjà enregistré. Cela nous a permis de gagner en rapidité, en volume, mais aussi en réactivité face à l’actualité réglementaire du secteur immobilier. Par exemple, le module sur MaPrimeRénov’ 2025 a été mis en ligne quelques heures seulement après la parution du décret officiel.
Nous avons choisi d’avatariser nos vrais formateurs, ceux que les collaborateurs retrouvent également en présentiel. Cela renforce la continuité pédagogique et l’ancrage humain. Aujourd’hui, cette technologie nous permet de produire massivement, d’actualiser facilement, et de diffuser une formation accessible, engageante et contextualisée à l’ensemble de notre réseau.
Il y a une cessation de droit prévue…
D.H. : Oui, comme nos formateurs sont salariés de l’entreprise, on a mis en place un avenant à leur contrat qui nous autorise à utiliser leur image dans le cadre de la création de leur avatar. On a évidemment prévu des garde-fous : ils conservent un droit de regard sur les modules, et rien ne peut être publié sans leur validation, pour éviter toute dérive. En théorie, on pourrait continuer à utiliser un avatar jusqu’à un an après le départ d’un collaborateur. Mais en pratique, on préfère le remplacer rapidement, car si la personne n’est plus sur le terrain, son avatar n’a plus vraiment de légitimité.
Ce qui est pratique avec cette technologie, c’est qu’on n’a pas besoin de retourner en studio. On peut simplement utiliser l’avatar d’un autre formateur déjà enregistré, relancer la génération des vidéos, et en une journée, tous les modules concernés sont mis à jour.
Quel rôle joue Brainsonic AI dans l’accompagnement de Guy Hoquet sur ce projet ? Comment s’est déroulée la collaboration ?
D.H. : On a des rôles très différents avec Brainsonic, mais parfaitement complémentaires. De notre côté, on a tout le savoir-faire lié à la segmentation de l’information par geste, ce qui nous permet de déterminer quels modules produire et quels scripts rédiger. Et à force de collaborer avec eux, on a aussi appris à écrire ces scripts de manière adaptée aux avatars vidéo : il faut indiquer les respirations, faire des phrases courtes, penser au rythme. Ce n’est pas du tout la même écriture qu’un texte classique.
Brainsonic, eux, apportent tout le savoir-faire technologique. Bien sûr, ils utilisent des outils comme Agent, et on pourrait se demander pourquoi on ne le fait pas nous-mêmes. Mais ce qui fait la différence, ce n’est pas l’outil en soi, c’est tout le travail d’appropriation, de personnalisation qu’ils ont mené. Si on compare un module qu’ils produisent avec un module qu’on ferait seuls avec le même outil, la différence de qualité est flagrante. Il y a aussi une part de montage dans ce qu’ils font : ils ajoutent des mots-clés visuellement, synchronisent parfaitement le visuel et l’audio.
Ce que j’apprécie particulièrement, c’est qu’ils sont passionnés par l’IA, tous, jusqu’à Mathieu Crucq. Ils sont en veille constante, toujours à l’affût des nouveautés. En février 2024, notre président évoquait un sujet en réunion ; deux mois plus tard, en conférence de presse, la technologie avait évolué et permettait déjà d’aller plus loin avec les avatars. Ils nous informent en temps réel des opportunités technologiques qui pourraient nous être utiles. On se nourrit mutuellement : eux de nos retours terrain, nous de leur expertise technique. Et on va même plus loin avec eux, puisqu’ils développent actuellement un moteur de recherche conversationnel intégré à notre plateforme d’e-learning, et une appli mobile baptisée GuyA, qui permet de poser des questions en vocal et d’obtenir des réponses orales basées sur notre base de connaissances. Par exemple, si je demande ce qu’est le déficit foncier, GuyA me l’explique et peut même me rediriger vers les modules correspondants.
Vous mentionnez un turnover divisé par deux depuis l’adoption des avatars IA. Quels sont selon vous les facteurs qui expliquent cette amélioration ?
D.H. : Ce n’est pas uniquement l’adoption des avatars qui explique cette baisse du turnover, c’est la combinaison de deux éléments. Dans un réseau de franchises immobilières comme le nôtre, les franchisés versent une redevance de franchise, et en général, ils doivent ensuite payer en plus pour accéder à la formation, que ce soit pour eux ou pour leurs collaborateurs. Stéphane Fritz, en reprenant l’entreprise il y a quatre ans, a doublé la redevance et intégré la formation dedans. Résultat : chez Guy Hoquet, l’accès à la formation est illimité, en présentiel comme en distanciel, tout au long de l’année.
C’est le seul réseau de franchise immobilière à proposer cela. Et en parallèle, on a mis en place la plateforme d’e-learning avec aujourd’hui plus de 150 modules avatarisés disponibles. Cette conjonction d’un modèle économique repensé et d’une formation accessible et adaptée permet deux choses : d’une part, le turnover a été divisé par deux ; d’autre part, on a constaté qu’un collaborateur qui se forme régulièrement – en présentiel ou à distance – génère en moyenne 26 % de chiffre d’affaires en plus qu’un collaborateur qui ne le fait pas.
Et la consommation de la formation a véritablement explosé. En 2024, on comptabilisait environ 600 modules consommés et validés sur toute l’année. Sur les quatre premiers mois de 2025, on en est déjà à 2 500. Ça montre bien que la dynamique est enclenchée, et que ces outils sont adoptés.
La formation via avatars IA a conduit à une hausse de 26 % du chiffre d’affaires des collaborateurs formés. Comment mesurez-vous l’impact direct de cette technologie sur la performance commerciale ?
D.H. : La technologie permet de mettre la formation dans la poche du conseiller ou du franchisé. Grâce à la segmentation par geste, on n’a plus besoin de bloquer deux heures pour se former devant un écran. Ce sont des modules très courts, consommables en mode snacking, exactement comme on consomme aujourd’hui les contenus sur les réseaux sociaux. On apprend à cuisiner sur un reel Instagram, à changer un pneu sur un tuto YouTube… L’idée, c’était de s’adapter à ces usages pour que la formation soit plus naturelle, plus accessible.
On met à disposition des contenus descendus, théoriques, que chacun peut consulter en deux minutes pour revoir les fondamentaux d’un geste métier juste avant de l’appliquer. Et avec le moteur de recherche vocal, il a son coach dans la poche. Il peut poser une question juste avant un rendez-vous client et avoir immédiatement la bonne réponse. C’est ça qui fait la différence.
On s’est dit : si on rapproche au maximum le moment de l’apprentissage du moment de l’action, on crée de la compétence. Et c’est comme ça qu’on voit que les collaborateurs formés performent mieux. Ce n’est pas une corrélation vague, on le mesure : ceux qui se forment régulièrement réalisent 26 % de chiffre d’affaires en plus.
Quels sont les principaux avantages pour les collaborateurs à utiliser ces avatars IA dans leur apprentissage au quotidien ?
D.H. : Il y a d’abord un vrai gain de temps. Les formats sont courts, snackables, et peuvent être consommés à tout moment. Ce n’est plus une formation descendante, rigide, qu’on suit pendant deux heures. C’est quelque chose qu’on peut intégrer à son quotidien, comme un réflexe.
Ensuite, il y a la dimension humaine. On a fait le choix d’avatariser nos vrais formateurs, ceux que les collaborateurs retrouvent ensuite en présentiel. Ils entendent les mêmes voix, voient les mêmes visages. Cela crée de la continuité et du lien, même à distance. C’est beaucoup plus engageant.
Et on va plus loin encore. On travaille déjà sur la V2 de notre plateforme avec Brainsonic, pour intégrer de la gamification. On veut aller vers un modèle à la Duolingo, avec des rappels, des quêtes, des challenges. L’objectif, c’est que chacun ait envie, tous les jours, de se former un peu. Que ce soit naturel, fluide, et même ludique.
Quelles sont les limites ou les défis rencontrés dans la mise en place de cette technologie chez Guy Hoquet ?
D.H. : On rencontre plein de défis, notamment technologiques, qui font souvent des nœuds au cerveau chez les équipes de Brainsonic. Par exemple, quand on a voulu développer ensemble le moteur de recherche conversationnel, ils ont dû relever deux défis. Le premier, c’est qu’on avait d’abord imaginé un moteur écrit : vous posez une question, comme « qu’est-ce que le déficit foncier ? », et il vous répond par écrit en remontant les modules pertinents. Puis, on a voulu passer au vocal. Notre premier réflexe a été de faire lire la réponse par une voix de synthèse. Mais on s’est vite rendu compte qu’on ne parle pas comme on écrit, et qu’un texte lu ne fonctionne pas pour l’apprenant, ce n’est pas fluide.
On a donc dû changer de techno et opter pour un moteur vocal qui interagit naturellement, capable de s’interrompre si on lui coupe la parole, de reformuler si ce n’est pas clair, d’approfondir si on le lui demande. C’est un vrai défi technologique que Brainsonic a su relever pour s’adapter à nos besoins. Un autre exemple : une fois le moteur vocal développé, on a constaté que sur certains iPhones, l’activation du micro bloquait le moteur. Il a fallu contourner le problème. Des défis de ce type, on en a plein.
Mais notre plus grand défi, à nous, c’est de réussir à faire en sorte que notre contenu soit vraiment consommé par nos franchisés et nos collaborateurs. C’est pour ça qu’on mise sur la gamification. Toute la technologie qu’on développe avec Brainsonic vise à rendre la formation plus accessible, plus fluide, plus engageante. On passe beaucoup de temps à réfléchir ensemble à comment faire encore mieux.
Comment envisagez-vous l’évolution de l’usage des avatars IA dans votre entreprise à moyen et long terme, notamment en termes de recrutement et de fidélisation des talents ?
D.H. : Le fait d’avoir une formation en illimité, c’est une vraie arme de recrutement, parce que c’est un métier dans lequel on a besoin de beaucoup se former. Et puis, si on apprend mieux, on travaille mieux, on performe mieux, on gagne mieux sa vie, donc on reste. C’est un impact direct sur la fidélisation.
À moyen terme, technologiquement, l’idée c’est de donner encore plus envie aux gens de ne pas passer une journée sans s’être formés. On va donc intégrer de la gamification, des concours, du challenge, et aussi plus d’animation de notre part autour de la plateforme. L’immobilier est pour nous un formidable ascenseur social, un grand secteur de reconversion, que ce soit pour les collaborateurs ou les franchisés. C’est pour ça qu’on a mis la formation au cœur du modèle, en distanciel comme en présentiel. Les deux se complètent : en distanciel, on fait la théorie, en présentiel, on travaille beaucoup les jeux de rôles et les mises en situation. Parce qu’apprendre à prospecter en ligne, c’est bien, mais quand il faut aller taper aux portes et essuyer des refus, il faut être préparé à cela, il faut que cela devienne un jeu.
Et enfin, à plus long terme, on pense que ce modèle est extrêmement précieux pour d’autres réseaux de franchise. Donc, la question qui va se poser, c’est celle de la commercialisation de la plateforme en marque blanche. On commencera par l’immobilier, parce qu’on maîtrise les contenus, mais demain, on pourra imaginer de l’étendre à d’autres types de franchises.
Quel message souhaitez-vous transmettre aux autres entreprises qui hésitent encore à intégrer l’IA dans leurs pratiques RH et commerciales ?
D.H. : À mon sens, il ne faut pas hésiter, il faut oser prendre le risque. Il y a deux types d’entreprises : celles qui attendent que les choses soient finalisées, éprouvées ailleurs, et qui adoptent ensuite une solution existante — pourquoi pas —, et celles qui décident de se lancer. Nous, on a fait l’inverse, mais c’est aussi parce que c’est dans notre ADN.
Le jour où j’ai vu la vidéo de Thomas Huchon, je l’ai montrée au président Stéphane Fritz dès le lendemain. Et le jour même, il m’a dit : je veux qu’on parle à Mathieu Crucq demain. Quinze jours plus tard, on tournait son avatar. Il faut tester, parce que ça évolue tout le temps. Si on attend que ce soit stabilisé, on prend le risque d’avoir toujours un train de retard. L’innovation va beaucoup plus vite aujourd’hui qu’il y a cinq ou dix ans. On a un temps court pour faire la différence.
Avec Brainsonic, on a appris ensemble. Il y a des moments où il faut tout remettre sur l’ouvrage, et c’est ce qu’on a fait. Tester, adopter, challenger, corriger, se tromper, apprendre : c’est le meilleur moyen de s’approprier l’IA et d’en faire quelque chose de vraiment vertueux.
Quel est le secret d’une relation agence-annonceur réussie ?
D.H. : La confiance, évidemment. Et l’agilité. Je crois que c’est ce qu’on a en commun avec Brainsonic. Au départ, je vous ai beaucoup parlé de formation, parce que c’est par là qu’on a commencé à travailler ensemble. Et une fois qu’on a avancé dans ce domaine, qu’on a vu que chacun tenait ses engagements, qu’on pouvait se contenter de se taper dans la main pour être d’accord — même si on formalise toujours derrière —, une vraie relation de confiance s’est installée.
Ce n’était pas prévu au départ, mais j’ai fini par les interroger sur nos communications sur les réseaux sociaux, et ils sont devenus notre agence digitale. Depuis, ils ont fait notre spot télé, et ils s’occupent de nos communications LinkedIn et TikTok. Ce que j’apprécie chez eux, c’est leur réactivité, leur compréhension fine de nos enjeux, et le fait qu’on ait envie de s’amuser en travaillant ensemble.