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Nunchi – L’heptaméron des Gourmets, une oeuvre totale pour un plaisir gustatif immuable

“Après plusieurs mois de navigation, la nef entra dans une zone merveilleusement tempérée. Des chapelets d’îlots fleuris émergèrent des flots, puis des rivages capricieusement découpés et couronnées de bois séculaires apparurent, tandis qu’une odeur de paradis, l’odeur confondue de l’oliban, du miel, du cinname et de la cannelle et celle de milliers de fleurs se répandait par la mer.”

Une œuvre manifeste de l’art culinaire, tombée dans l’oubli depuis un demi-siècle vient tout juste d’être remis au goût du jour par la jeune maison d’édition Nunchi. L’Heptaméron des Gourmets, de l’illustre chef cuisinier Edouard Nignon, cuisinier entre autres, du tsar Nicolas II et de l’empereur d’Autriche, est disponible depuis peu, dans une toute nouvelle édition. Une   œuvre pour le moins originale dans sa structure qui nécessite d’être apprivoisée. Comme s’il fallait, pour apprécier pleinement les différentes recettes décrites dans le livre, comprendre avant tout l’état d’âme dans lequel était Edouard Nignon à la rédaction de cette œuvre. Comme s’il souhaitait avant de nous transmettre son art, réaffirmer un plaisir simple, mais peut-être oublié, que la gastronomie est avant tout une affaire de sensation et de bien-être. Et pour nous rappeler cette sensation, l’auteur choisit le voyage. À travers, le périple de sept voyageurs au pays de Cocagne, le lecteur plonge dans un paradis, où la dégustation, plaisir Dionysiaque par excellence, est une source suffisante de plénitude. Ce sentiment euphorisant, nous est transmis par la ravissante prose d’auteurs célèbres de l’époque. Apollinaire, Henri de Régnier, André Mary pour ne citer qu’eux, s’appliquent à narrer dans un style identifiable chacune des septs journées du voyage.

 

L’Heptaméron des Gourmets, un voyage culinaire

Un ouvrage qui entre, par cette évocation, en résonance avec certaines œuvres de la même époque, comme celle d’un certain Marcel Proust qui, six ans, auparavant, écrivit à propos de la sensation d’une madeleine en bouche :

“À l'instant même où la gorgée mêlée des miettes du gâteau toucha mon palais, je tressaillis, attentif à ce qui se passait d'extraordinaire en moi. Un plaisir délicieux m'avait envahi, isolé, sans la notion de sa cause. II m'avait aussitôt rendu les vicissitudes de la vie indifférentes, ses désastres inoffensifs, sa brièveté illusoire, de la même façon qu'opère l'amour, en me remplissant d'une essence précieuse : ou plutôt cette essence n'était pas en moi, elle était moi.”

Ainsi, la réminiscence du souvenir, se substituant en un instant à tous parasites, appelle à l’évasion, à la fuite vers un monde paradisiaque, où le plaisir de manger serait roi.

La nouvelle édition de l’œuvre d’Edouard Nignon, un siècle après sa première parution, prend les mêmes traits que le souvenir de la madeleine de Proust. Le monde a depuis bien évolué, et ces plaisirs simples ne sont plus tout à fait perçus de la même façon. Le parfum des choses qui jadis suffisait à nous émouvoir, n’est plus qu’un lointain souvenir, remplacé peu à peu par une uniformisation des goûts et des saveurs. La joie de déguster un bon plat, se heurte aujourd’hui trop souvent à l’impératif de surveiller sa ligne. L’apparence prévaut désormais sur le plaisir et s’il ne fallait garder qu’un seul argument susceptible de vous faire acheter ce livre, ce serait bien celui de réapprendre à savourer les mets.

Une nouvelle édition entre tradition et modernité

La maison d’édition Nunchi tout en s’évertuant à conserver l'authenticité de l’œuvre originale (impression sur une ancienne presse typographique, méthode de gravure traditionnelle), a pris la liberté d'intégrer de nouveaux éléments à ceux déjà présent. Comme Edouard Nignon à son époque, qui avait fait le choix de collaborer avec plusieurs écrivains, la maison d’édition a choisi quant à elle de s’entourer d’artistes pour réaliser cette réédition. Ils sont sept au total, sept artistes à privilégier la qualité plutôt que la quantité, sept à considérer leur savoir-faire comme un art. Ces différentes compétences mises au service de l’œuvre font de la réédition de L’heptaméron des Gourmets une réussite, auréolée du prix La nuit du livre.

Mais le soin apporté à l’œuvre ne s'arrête pas là et se retrouve également au niveau de leur site e-commerce, où le livre est également disponible. Dans un design épuré, les différents travaux de chaque artiste nous sont présentés à travers une courte vidéo. Le style moderne du site se mêle parfaitement avec celui, plus artisanal, du livre, comme si la plateforme digitale faisait partie intégrante de l’oeuvres d’Edouard Nignon. Ce dernier point prouve que le digital peut enrichir l’univers d’une œuvre d'art, même si celle-ci semble être à première vue, graphiquement en opposition avec cet espace.