Furious, un outil pour rendre rentables et organisées les agences ?

Par Isadora L. le 24/10/2022

Temps de lecture : 9 min

L’interview de Davy Tessier, adepte de « croissances furieuses » !

Après avoir fondé et dirigé l’agence Disko pendant près de 10 ans, Davy Tessier et Mickael Lellouche sont aujourd’hui à la tête de Furious, un outil de gestion en ligne qui propose aux agences, startups et cabinets conseil, une solution complète pour maîtriser leurs opérations et optimiser leur rentabilité.

Pour ce Parole d’entrepreneur, nous avons donc donné la parole à Davy Tessier, cofondateur de Furious. Il nous a livré les dessous de sa société 100 % remote, et comment est-ce que cette « tour de contrôle » peut faciliter la vie de votre agence – et la vôtre par la même occasion.

Furious en quelques phrases, c’est quoi ?

Davy Tessier : C’est un outil en ligne de gestion d’agences. Furious gère l’ensemble des workflows et tout ce qui a trait au management d’une agence – de la prospection aux devis, en passant par le closing commercial, l’organisation des avant-ventes, la gestion de projet, les diagrammes de Gantt, les outils de gestion de tickets, la planification, les factures, les achats, les clôtures comptables, les ressources humaines, les entretiens, etc. C’est un outil extrêmement vaste avec un bon nombre de fonctionnalités. L’avantage d’avoir tout cela au même endroit, c’est que nous avons des gains d’intelligence compte tenu de toute cette data. Cela permet d’être prédictif et de gagner du temps.

L’inconvénient pour nous, c’est qu’il faut que chacune de ces features soit au niveau du marché, voire mieux. Notre challenge ces dernières années n’était pas simplement de créer quelque chose qui fait gagner du temps, mais quelque chose qui fait gagner du temps quand nous le comparons aux standards du marché – type Pipedrive et Hubspot. Sauf que ce sont des outils qui ne présentent qu’un bout de l’activité. À titre d’exemple, Pipedrive est génial pour gérer l’avant-vente. Mais gérer et connaître le temps passé sur toutes les avant-ventes du client ainsi que le temps passé sur les gains de projets avec lui par rapport à la rentabilité globale, c’est impossible à calculer avec des outils mono-features.

Furious a-t-il une spécificité par rapport au marché ?

D.T. : Comme Furious est un outil généraliste dans un secteur de niche, cela permet d’avoir une façon de penser très adaptée à ce marché. Des ERP vont être spécialisées dans plein de secteurs (ex : Septeo pour les professions du droit), mais nous, nous sommes spécialisés dans les métiers de vente de « temps homme », de temps contre argent, et les métiers de vente de forfaits.

Tout cela est quelque chose que nous avions développé dans notre ancienne vie, chez Disko. Nous avons eu pendant 10 ans une très importante croissance (+ 40% par an), nous avions des bureaux un peu partout et nous avons toujours été rentables. Pourquoi ? Parce que nous avions maîtrisé nos workflows et piloté avec autre chose que le reporting de l’expert comptable qui arrive toujours après la guerre. Quand vous avez 20, voire 30 % de turn over rapporté à 40 % de croissance, cela veut dire que vous avez renouvelé plus de la moitié de votre boîte en un an. Et si de surcroît, si vous renouvelez une partie de vos clients et acquis de nouveaux, c’est très dur à modéliser dans votre tête si vous n’êtes pas prédictif. Il faut avoir quelque chose de très adapté à son stock de talents, rapporté au stock de projets en cours, mais aussi rapporté aux avant-ventes sur lesquelles vous candidatez avec des taux de probabilité de gain, etc.

Quand vous mettez tous ces paramètres dans l’équation, cela aboutit à quelque chose qui est très difficile à faire, et encore plus à recalculer tous les mois – d’où le fait que nous avons développé cette approche de gestion de flux, qui était l’embryon philosophique de Furious.

Qu’est-ce qui vous a mené à créer Furious ?

D.T. : Quand nous avons vendu Disko, je me suis mis à faire autre chose : de l’immobilier, plein de projets, et j’ai même lancé une startup d’alarmes pour bateaux ! Puis un jour, des ex-confrères sont venus me voir en me disant « t’as développé quelque chose de sympa avec Disko, maintenant que nous ne sommes plus concurrents, est-ce que tu pourrais nous aider nous aussi avec des outils en interne ? ». Et cela, avec un objectif intéressant, puisque c’était avant le Covid. En l’occurrence, les patrons disaient par exemple « Ok, je suis une grosse agence lyonnaise, je voudrais partir faire 2 jours par semaine à la montagne, mais comment piloter des équipes sans être quotidiennement avec ? ». Quand vous avez plusieurs agences dans plusieurs pays, vous ne pouvez pas être partout. C’est ainsi que nous avons fait un premier prototype. Quand je l’ai présenté à ce confrère, il est venu avec deux ou trois autres patrons d’agence, et c’était lancé. Rapidement, d’autres nous ont rejoint – comme c’est un petit milieu et que tout le monde se connaît – des clients sont venus spontanément à nous.  

Pourquoi ce nom, Furious ?

D.T. : J’ai également créé Furious, car j’ai réalisé que dans beaucoup d’autres secteurs où j’avais mis le nez, tout était très lent – l’immobilier et les startups, par exemple. Rapidement, il fallait que nous revenions à quelque chose qui a de l’enjeu, c’est pour cela que nous l’avons appelé cela Furious. À la base, cet outil était surtout créé pour aider les chefs d’entreprise, leur expliquer les choses méthodologiquement. En 2-3 ans, les outils ont été très enrichis avec de l’intelligence artificielle.

Furious, c’est pour la vélocité. Nous faisons le pari d’être capables d’accompagner nos clients dans leur « croissance furieuse ».

Les agences sont-elles bien déjà équipées en solutions de ce type ?

D.T. : Nous avons deux grands types de profils d’agence, d’abord les petites qui ont moins de 15 salariés. En général, elles ont beaucoup d’outils différents, mais ne perçoivent pas les flux qu’il y a entre elles – et elles pilotent souvent avec au centre de gravité le patron (qui voit tout et qui fait tout). 

Quand une agence dépasse les 50-70 personnes, aucune d’entre elles n’a plein d’outils. Elles vont avoir des outils certes, mais généralement ceux-ci datent de 20 ans – et sont très orientés finance.

Elle est là, la grande différence avec Furious : nous venons des opérations. Les outils ont d’abord été pensés pour améliorer le quotidien des gens, des chefs de projets, des dir cli, et ensuite pour donner un reporting financier.

Il y a une dernière catégorie : les agences qui n’ont rien, et qui délèguent tout à leur cabinet d’expert comptable. Celles-ci s’attendent à ce que quelqu’un qui ne connaisse pas le secteur d’activité puisse faire des recommandations conseils…

Quelle est la part de l’accompagnement dans votre offre, au-delà de l’outil ?

D.T. : L’accompagnement est systématiquement inclus. Il est d’ailleurs assez court, étant donné que les clients peuvent rentrer très vite dans l’outil. Mais c’est également inclus car l’outil est très vaste et modulaire. Nous avons une assistance sur des sujets liés à la formation, avec une restitution des best practices – dans lequel Furious va restituer des éléments et déployer de la formation méthodologique. Le but étant de faire prendre conscience aux clients de certains éléments pour que lui-même mette en œuvre ses modifications. Après, toutes ces suggestions vont dépendre de la nature et de la taille de l’entreprise et à qui nous avons affaire.

Quels types d’équipes avez-vous ?

D.T. : Nous avons trois grands pôles :

1- Discover, c’est le pôle en amont, qui va vérifier d’adéquation entre ce que nous avons, le marché, et ce que nous entendons. Nous découvrons les problématiques des clients, eux découvrent l’outil. C’est notre pôle marketing / communication. 

2- Success, dont le métier est de garantir le succès de la migration.

3- Produit, qui s’occupe du produit et de ses améliorations.

La moyenne d’âge chez nous doit être autour de 38 ans, avec des seniors qui ont fait au moins 10 ans de carrière en agence.

N’est-ce pas le rêve de tout dirigeant d’agence digitale de pivoter vers du SaaS (Software as a Service) ?

D.T. : C’est un sacré rêve ! C’est d’autant plus un rêve qu’en début du mois, nous savons le chiffre d’affaires que nous allons faire. Le moindre effort supplémentaire crée de nouveaux clients. C’est beaucoup plus sécurisant – j’ai passé 15 ans à sécuriser les cut off de fin de mois en priant pour que cela passe.

Ensuite, nous avons quand même mis beaucoup de personnes chez nous enmode projet – 50% de l’équipe produit travaille sur les feedbacks clients. Quand un client nous dit quelque chose dans la journée, l’amélioration peut être faite dès le lendemain pour lui. Cela est un véritable gap par rapport au monde du logiciel.

50 % du staff est sur du temps de réaction court, l’autre partie est concentré sur des réactions “longues” – c’est-à-dire que nous allons faire des choses que l’on ne nous a pas demandées, pour aider le client.

Vous êtes en full remote, ou vous avez quand même des locaux ? 

D.T. : Nous avons deux bureaux, un à Montpellier et un à Paris. Mais l’entreprise est conçue pour un travail 100% remote – toutes les réunions se font en ligne, par exemple. Nous utilisons également tous Furious.

Comment percevez-vous le marché des agences actuellement ? Et d’ici 3 ans ?

D.T. : L’année dernière, nous avons constaté une forte croissance de nos clients – pas forcément des agences digitales d’ailleurs. Nous avons également vu une augmentation de la rentabilité. 2021 et 2022 ont été d’excellentes années en cash et en aquisition. Elles ont été plus difficiles d’un point de vue RH, et elles commencent à se tendre d’un point de vue commercial.

Il y a eu une crise (le Covid) que les agences ont encaissée, et elles ont eu du mal à gérer la partie RH – tout le monde n’était pas disposé à repartir à fond au travail. Recruter est devenu compliqué. C’est ce que nous avons discerné ces derniers mois : les sujets autour du pilotage commercial, de la production et des ressources humaines.

Ce que nous commençons à voir à l’étranger, ce sont des inquiétudes au niveau du pilotage serré des coûts et de la masse salariale par rapport au gain. Notamment si des donneurs d’ordre venaient à réduire leur budget. Nous sentons un resserrement en cette fin d’année du point du vue commercial, même s’il est encore trop tôt pour se prononcer.

D’un point de vue court terme, nous pensons qu’il va y avoir des effets d’ajustement, notamment s’il y a encore des problématiques macroéconomiques. Il y a un an, il était impensable d’imaginer l’Ukraine et la crise énergétique liée au gaz et au pétrole. Nous parlions du Covid, et c’était déjà énorme !

Nous ne savons pas ce qui se passera dans les prochains mois, mais compte tenu de la tension niveau commercial, les services marketing peuvent être impactés. Pour autant, nous sommes sur une tendance en forte croissance, parce que la demande d’intelligence est en constante augmentation sur tous les marchés. Nous pensons que le marché de la prestation intellectuelle a un bel avenir devant lui. Sachant que nous sommes sur des tendances de fond : les modes de gestion d’agence vont migrer et les outils de Furious accompagneront cela. Il y aura plus d’indépendance dans les contrats, moins de CDI, plus d’indépendants, et d’interactions entre eux et le reste de la masse salariale.

Ce travail mixte est un sujet que j’ai beaucoup constaté dans les startups tech, nous le voyons arriver et se propager dans le reste du monde. Nous pressentons une migration progressive vers des équipes hybrides. Tant dans la nature du contrat que dans sa durée.

Nous voulons être une alternative européenne aux outils anglo-saxons, il y a de belles façons de voir l’organisation en Europe. C’est cela que nous essayons d’être, à notre modeste échelle – en espérant que notre échelle ne fasse que grossir.  

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Letter to to the Future pour Accor

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