L’adieu des Marmottes de France 3 : retour sur un succès viral aussi colossal qu’inattendu

Par Élodie C. le 16/09/2021

Temps de lecture : 7 min

Près de 80 millions de vues en un quinquennat.

Elles ont régné pendant cinq ans dans le cœur des téléspectateurs de France 3 avant de tirer leur révérence dans un parodique, mais solennel, « Au revoir ». Leur succès a dépassé les frontières hexagonales pour s’exporter en Amérique et en Asie, prolongeant leur mandat d’une année supplémentaire. Chose peu commune pour une série… d’habillage publicitaire. Qu’elles soient musiciennes, cinéphiles ou sportives, les marmottes ont égayé les périodes estivales et fêtes de fin d’année.

Retour sur la saga française que le monde nous envie (au moins) avec Fabrice Gueneau, fondateur de l’agence Dream On qui analyse pour la Réclame les dessous de cette marmotte mania.

La genèse

Si le phénomène des marmottes a commencé en juin 2015, les jingles et autres génériques publicitaires de France 3 font la part belle aux animaux depuis 1995, sous l’impulsion de Laurent Sauvage, aujourd’hui directeur artistique de France 3. Éléphants, autruches, tortues ou girafes se sont ainsi dégourdi les pattes sur la chaîne pendant les vacances d’été et d’hiver (décembre-janvier). Une parenthèse venant rompre avec l’habillage institutionnel, mais correspondant à la raison d’être de France 3. Historiquement, la chaîne des régions a eu l’idée d’introduire des animaux pour illustrer la ruralité ouvrant ainsi des fenêtres sur un peu de poésie et d’humour, avant même de faire appel à l’agence Dream On, résume Fabrice Gueneau.

Différents traitements ont été abordés comme la 3D ou l’origami (par l’agence). En 2015, le brief de France 3 est de proposer une ou des mascottes qui puissent « faire le job » à travers des séquences poétiques et/ou humoristiques. Dream On choisit les marmottes, non pas en se disant que la marmotte est française dans le sens où elle — naturellement — vit en Savoie ou dans les Pyrénées par exemple, contrairement à l’éléphant, mais parce qu’elles ont une structure permettant de singer des attitudes, des postures et des mouvements humains. L’idée fut de les placer dans des décors naturels et des attitudes complètement iconoclastes. 

La première année, les marmottes ont ainsi joué dans différents groupes de musique, reggae, hard rock, électro façon Daft Punk ou rock à la The Cure, gipsy, classique, mariachi, rap et même dans un groupe de cor des Alpes. Le succès est tel qu’une 2e, puis 3e saison est lancée version cinéma et voit nos célèbres marmottes réinterpréter les plus grands succès du 7e art, qu’ils soient Français ou internationaux : Les Bronzés font du ski, E.T., Titanic, Rocky en passant par West Side Story et Flashdance. Puis une 4e saison plus sportive est commandée pour faire écho aux Jeux olympiques de Tokyo de 2020, finalement reportés l’année suivante.

En 2020, la direction artistique de France 3 annonce à l’agence Dream On la fin prochaine des marmottes afin de « se renouveler et de ne pas lasser les téléspectateurs » se souvient son fondateur. En novembre dernier, un nouveau pitch est lancé pour trouver les prochaines mascottes de la chaîne qui doivent être présentées sous peu (en même temps que le nom de l’agence victorieuse sera dévoilé). Puis, en décembre 2020 les marmottes entament ce qui devait être leur dernier tour de piste. Sauf que… l’Oncle Sam s’en est mêlé, permettant aux marmottes de vivre l’american dream avec 4 millions de vues en 24 heures grâce, notamment, au concours de personnalités américaines comme Alyssa Milano ou Octavia Spencer.

Changement de programme, ce qui devait remplacer les marmottes ne sera pas diffusé à l’été 2021, mais pendant les fêtes de fin d’année. C’est donc pendant les Jeux olympiques de Tokyo et devant des millions de téléspectateurs que les marmottes achèvent leur quinquennat avec 4 saynètes sportives supplémentaires. Un film « d’adieux » est commandé pour signifier la fin de la saga. « Il fallait imaginer un scénario sans larmoiements, ce n’était pas évident à trouver et finalement la parodie de VGE s’est imposée », se souvient Fabrice Gueneau. Depuis la diffusion de ces « au revoir », France 3 reçoit de nombreux courriers de lecteurs exprimant leur déception de voir la saga s’arrêter et réclamant le retour des marmottes (allez donc dire ça à Bill Murray).

Les campagnes

– Juin 2015, en avant la musique

– Juin 2018, vive le cinéma ! 

– Noël 2019

– Juin 2021, Jeux olympiques de Tokyo 2020

– All in one 

Les résultats

– Plus de 75 millions de vues cumulées en 5 ans, avec 4 millions de vues en Corée et 15 millions aux États-Unis ;

– L’hiver dernier, un Américain tweete sa stupéfaction face à ces marmottes qui s’adonnent au curling et c’est l’emballement sur les réseaux sociaux et dans la presse ;

« Le succès a dépassé tout le monde, s’étonne encore Fabrice Gueneau. À un moment donné, ils considéraient que les marmottes étaient une marque au même titre que France 4. »

– 37 récompenses françaises — au Club des DA notamment — et internationales ;

– Des retombées presse phénoménales sans aucune campagne RP : le Huffington Post, Vanity Fair, Paris Match, Le Monde ou Le Figaro relatent l’irrésistible succès des marmottes ;

– le film d’adieu cumule 25 000 vues seulement quelques jours après sa sortie sur le compte de la chaîne et 10K sur le compte Instagram de l’agence.

« Avant cet été, la page Instagram de l’agence, partie de zéro en janvier dernier, comptait 250 abonnés, les marmottes nous ont permis de grimper à 1 200. C’est dingue ! Je ne sais pas si beaucoup d’agences ont des projets qui leur font faire x 6 sur leur compte Instagram en deux mois… »

Le making of Les Marmottes

Les clés de succès

– Le contexte
« En toute humilité, et pour l’année dernière, le contexte, qui nous échappe un peu. Dans la période de crise sanitaire actuelle, les gens sont d’autant plus friands du petit truc qui fait du bien après avoir été confinés.

– L’empathie 
Depuis — et même avant, avouons-le — cette fameuse publicité pour du chocolat suisse qui voyait une marmotte mettre le chocolat dans le papier alu (mais bien sur) le siffleur a la sympathie du public. Il y a des animaux comme ça, ils sont mignons quoi qu’ils fassent. « On l’a espéré, mais nous n’avions pas imaginé à quel point il y aurait de l’empathie pour un animal qui, du fait de singer l’attitude de l’être humain, semble plus proche de nous », explique Fabrice Gueneau.

Et si vous rajoutez à ça la force de frappe impressionnante des réseaux sociaux… « Lorsqu’un Américain, un individu lambda, publie un film sur Twitter avec pour seule mention, ‘Okay, who did this?’, et que cela fait 4 millions de vues en 24 h… c’est intéressant, car trois jours après vous avez un bon de commande de France 3 qui vous dit ‘On en veut d’autres’. Et les gros titres de la presse qui s’exclament : Les marmottes en train de conquérir l’Amérique, etc. Ce sont des choses qui dépassent l’entendement soyons honnête. C’est extrêmement positif, nous n’allons pas nous plaindre, mais c’est surtout intéressant sur ce que ça dit des réseaux sociaux, leur capacité à relayer les informations. »

– L’écriture 
« La finesse de l’écriture a rendu ces pastilles populaires sans tomber dans la facilité. Il faut un certain talent et une capacité à le faire, ce mérite revient aux créatifs. L’humour n’a rien de simple, on ne rit pas des mêmes choses, pourtant nous avons réussi à faire quelque chose qui a marché à l’international tout en restant dans une finesse d’écriture plus anglo-saxonne, c’est-à-dire un peu absurde et barrée. »

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Letter to to the Future pour Accor

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