Les 5 tendances du marketing d’influence en 2021

Par Élodie C. le 25/02/2021

Temps de lecture : 22 min

Authenticité, performance, live, engagement et social commerce.

En 2020 en France, 49,6 millions de personnes (soit 76 % de la population) ont utilisé les réseaux sociaux, et elles sont 4,20 milliards (soit 53 % de la population mondiale) dans le monde. (Source Digital Report 2021 We Are Social / Hootsuite)

Aux côtés de plateformes sociales comme Instagram, TikTok et Twitch qui ont vu leurs audiences décoller et s’ouvrir à de nouveaux publics, le marketing d’influence est ressorti grand gagnant de la crise sanitaire alors même qu’on s’interrogeait de sa survie aux premières heures du confinement. D’après Reech, agence spécialisée dans l’influence marketing, le nombre de demandes de partenariats a explosé de 51 % par rapport à 2019 tandis que la rémunération des influenceurs a augmenté de 15 %.

Le marketing d’influence est ainsi apparu comme une alternative crédible, authentique et légitime pour s’adresser aux audiences et aux différentes communautés de marques. À mesure que le secteur se professionnalise, transparence, éthique et mesure deviennent indispensables pour pérenniser le modèle et rassurer ses différents acteurs amenés à s’adapter à de nouveaux outils.

Dans cet écosystème en pleine effervescence, comment les marques peuvent-elles inclure le marketing d’influence dans leur stratégie ? Pour quelles finalités ? Et surtout, sur quelles tendances parier en 2021 ? Tour d’horizon avec un panel d’experts issus d’agences et de plateformes tech.

L’engagement

– Valeurs et éthique
Tendance de fonds qui s’est cristallisée en 2020 à la faveur de la crise et des nombreux sujets agitant la société (virus, mouvement Black Lives Matter, féminisme, situation des Ouïghours, inclusion, climat, souffrance animale, etc.), l’engagement est désormais l’affaire de tous. Sur les réseaux sociaux, réceptacles des maux d’une société polarisée, les prises de positions s’affichent en tweets, posts et stories.

Tendance notable de la création publicitaire des marques cette année, cet engagement s’observe logiquement dans l’univers autrefois ouaté de l’influence, quitte à cliver ou même refuser des opportunités. “Les Français sont prêts à s’emparer des réseaux sociaux pour s’exprimer, mettre en avant leurs valeurs ou leur colère alors que ces mêmes plateformes étaient autrefois plus léchées, travaillées, axées sur la photo et tout ce qui est de l’ordre du beau”, observe Agathe Nicolle de l’agence WOÔ. La directrice générale de l’agence note ainsi un tournant dans la manière dont les gens s’expriment et revendiquent qui ils sont. Une mutation qui se déploie sur des formats propices à l’expression directe, comme la vidéo, et sur des plateformes comme Twitch et TikTok, “révélation” du confinement.

Les “Key Opinion Leaders” (KOL’s), ne se contentent plus d’influencer les actes d’achat de leur communauté, mais entendent incarner des causes qui leur sont chères en devenant de vrais ambassadeurs. ONG, ONU, OMS, Commission européenne et gouvernements font désormais appel à eux pour toucher des communautés réputées difficiles à atteindre et qui s’informent hors des médias traditionnels. Emmanuel Macron a ainsi interpellé le duo McFly et Carlito cette semaine pour promouvoir les gestes barrières auprès des jeunes générations.

WOÔ a ainsi lancé YOÔ Care en 2019, une plateforme de micro-influence (sans commission) permettant aux associations de réaliser des campagnes gratuites en accédant à la base de 50K influenceurs de l’agence. Plus de 50 campagnes ont pu être mises en œuvre en 2020 pour de petites associations.

Un virage qui fait écho à celui entrepris par des marques il y a quelques années déjà, comme Dove, Nike ou Apple qui mettent en exergue des valeurs fortes – body positive, justice sociale, privacy – transcendant leur propre marque. Celles-ci parviennent ainsi à fidéliser des clients en quête de sens sur ces valeurs-là.

Pour Traackr, cette “humanisation des marques” s’observait à la marge jusqu’à BLM, le mouvement des gilets jaunes, la crise sanitaire et le sentiment de révolte apparus dans la société contre les pouvoirs en place. “La réaction du consommateur est très forte vis-à-vis de ces marques qui s’engagent, rappelle Pierre-Loïc Assayag, CEO de Traackr. Elle est positive envers les marques qui adhèrent à leurs propres valeurs et négative dans le cas inverse, les marques sont poussées dans leur retranchement et forcées à se positionner. L’influence sert de validation à ces valeurs sociales : une marque ne peut activer ce levier qu’une fois définies ses propres valeurs de marque”.

Les influenceurs viennent ainsi légitimer cette prise de parole à laquelle ils croient auprès du public. Gare aux marques qui seraient trop timorées ou opportunistes. Les employés, les actions et les produits de la marque doivent être alignés pour que cela fonctionne, avant même de déployer ce “brand purpose” auprès des influenceurs, puis du public rappelle Traackr.

Je ne serai pas surpris de voir apparaître un monde où toute une série de marques parviendra à développer ce sens des valeurs sociales, suscitant une fidélité plus forte des clients, des marges plus importantes dûe à une moindre élasticité de prix, tandis que les autres marques deviendront de simples commodités”, présage Pierre-Loïc Assayag.

Le monde de l’influence est passé de l’ère simpliste du placement de produits, où l’influenceur et son pouvoir de recommandation sont utilisés comme porte-voix d’un brief précis à celle de l’engagement, analyse pour sa part Jessica Chemali, head of influence Fuse. Les talents doivent être eux-mêmes très convaincus et engagés, tout comme les marques qui travaillent à concevoir des discours plus profonds et qui font sens pour les consommateurs. Ce sont les valeurs défendues par les annonceurs et partagées par ces influenceurs dans les campagnes qui font la différence auprès du public.

Et l’agence de donner pour exemple la récente campagne de Natoo avec les assurances Allianz autour du cyberharcèlement. En 2017, la youtubeuse française révélait, avec d’autres vidéastes de la plateforme, avoir été victime de harcèlement dans le documentaire “Elles prennent la parole” pour l’association Les Internettes « Nous passons d’un discours 100% mercantile et commercial à un discours vraiment incarné puisque Natoo est très investie dans cette cause”, explique Jessica Chemali.

Follow va même plus loin, pour l’agence de marketing spécialisée dans l’influence, les influenceurs n’auront plus le choix de s’engager. « Même si le marketing d’influence est récent et se professionnalise peu à peu, les audiences des influenceurs ont besoin de contenus engagés et de suivre des personnes avec des choses à dire et des combats à défendre, estime Samuel Skalawski, le co-fondateur et directeur des opérations de Follow. Aujourd’hui, nous avons de moins en moins le choix de prendre part ou non à des actions, que ce soit dans un domaine politique, sociétal, environnemental, ou associatif. Le contenu vide de sens n’a plus lieu d’être sur les réseaux sociaux.” Il voit ainsi un phénomène se mettre en place où, à l’instar des marques, les influenceurs sont sommés de prendre part à des sujets importants qui font sens.

À présent, les marques ne fonctionnent plus parce qu’elles ont un bon produit et un bon prix, mais parce qu’elles ont une belle image, une bonne histoire à raconter et de beaux combats à défendre, poursuit Samuel Skalawski. Elles choisiront logiquement des influenceurs avec les mêmes combats qu’elles. C’est un cercle vertueux. Avec les élections de 2022 à venir, il faudra se mouiller un peu, un influenceur ne pourra pas rester neutre avec tout ce qu’il se passe autour de lui.

– de l’authenticité… à long terme
Qui dit engagement, dit authenticité. “Cette valeur a été remise au centre au moment du confinement, mais c’est véritablement en 2021 qu’elle va se généraliser, parie Pascale Azria, présidente du SCRP. On ne sait plus si cela a été impulsé par les communautés, les influenceurs ou des marques, mais dans un environnement où la confiance est majeure et l’engagement est aussi intéressant que la visibilité, l’authenticité est attendue partout :

– dans les relations : le Syndicat du Conseil en Relations Publics vient de lancer la charte de la relation influenceurs qui met l’authenticité et la transparence au cœur de ses engagements ;

– dans les contenus : #Onveutduvrai ou #FilterDrop en Angleterre. Une campagne qui a conduit à l’interdiction des filtres pour les influenceuses mettant en avant des marques et produits cosmétiques. L’utilisation du filtre est aujourd’hui précisée sur Instagram.” A l’instar des magazines féminins qui précisent désormais lorsque leurs photos ultra-léchées sont (ultra) retouchées.

Une authenticité à même de garantir confiance et proximité, poursuit celle qui est également directrice générale associée de l’agence Kingcom. Cette authenticité pousse de plus en plus à s’engager dans des partenariats à long terme.

Comme le rappelle Clément Montailler, directeur du pôle social media chez Castor & Pollux, l’année dernière, beaucoup d’influenceurs et de marques ont pris la parole sur des sujets de société tels que Black Lives Matter ou les Ouïghours. Une prise de parole forte, encore inconcevable pour certains il y a quelques années. L’enjeu pour les marques en 2021 sera donc de parvenir à trouver des profils partageant leurs valeurs pour élaborer des collaborations sincères et transparentes.

Un avis partagé par Pierre-Hubert Meilhac, managing director, head of PR & Influence chez Ogilvy : « Beaucoup d’influenceurs ont revu leur façon de se raconter via des valeurs humanistes. Ce travail peut créer du positif si les marques acceptent d’aller sur ce terrain-là. Les influenceurs peuvent donc être les catalyseurs et accélérateurs de ces sujets de société. » Ces derniers prennent ainsi conscience de leur valeur, de leur force et de leur capacité à faire changer les choses. « Marques et influenceurs favorisent de plus en plus la collaboration sur le long terme, en liant la force du earned contre le seul paid », constate-t-il.

« Les influenceurs veulent protéger au mieux leur relation avec leur communauté et deviennent de plus en plus exigeants avec des marques qui se bousculent et qui représentent une portion décroissante de leurs revenus, remarque Arthur Kannas, d’Heaven. Ils sont désormais attendus au tournant par leurs fans et souhaitent davantage amorcer des actions utiles, signifiantes et parfois engagées. »

Ogilvy, WOÔ et l’agence Castor & Pollux observent ainsi une propension plus marquée chez les influenceurs à refuser les collaborations qui ne respectent pas leurs principes. « En se posant la question de ce qu’ils sont et apportent, ces KOL’s vont améliorer leur valeur, car les marques travaillent de plus en plus sur l’affinité et l’attention. Cela permet d’avoir des influenceurs qui transcendent les réseaux sociaux et sont choisis pour ce qu’ils sont », explique Pierre-Hubert Meilhac. « Quitte à perdre des followers », abonde Agathe Nicolle de l’agence WOÔ.

En 2020, 3 influenceurs sur 4 ont ainsi refusé au moins 1 partenariat confirme l’étude de Reech. « Cette tendance est d’autant plus importante, qu’elle ne se limite pas à l’influence. La prise de conscience généralisée des consommateurs a fait du bruit sur les réseaux, jusqu’à faire changer les conditions de travail pour certaines entreprises », pointe Clément Montailler (Castor & Pollux).

2. Sans mesure, la performance n’est rien

Comme n’importe quel levier marketing, l’influence est désormais soumise à des objectifs de performance, peut-être plus encore après une année marquée par des budgets de communication revus à la baisse et/ou réorientés vers le digital et les réseaux sociaux. Il ne s’agit plus seulement de répondre à des enjeux de branding (notoriété par exemple), mais également à des objectifs de fidélisation, de recrutement et de vente.

– L’impact mesurable de la passion economy
Pour Anthony Delorme, partner chez Brainsonic, les besoins d’authenticité des marques entraînent une tendance forte à la micro-influence : ses capacités d’engagement sont plus importantes que l’influence lambda où le reach est très élevé, mais la maîtrise d’un sujet quasi nulle. « Cette influence de niche permet l’apparition d’influencer retailers consolidée par des partenariats sur le long terme. Marque et influenceur peuvent travailler la fidélité à la marque, et faire entrer l’influence dans l’ère de la performance marketing ». Pour le directeur associé en charge des pôles Digital, Content & Social de Brainsonic, cette tendance permettra de mesurer l’impact de l’influenceur sur le marketing de la marque tout en crédibilisant l’entrée de l’influence dans le marketing mixte des marques.

« Ces influenceurs de la passion economy monétisent déjà une audience très fidèle (à travers des paywalls, des digital goodies ou l’abonnement à une newsletter). Demain, les marques pourront distribuer des digital goodies à travers ces micro-influenceurs pour convertir les audiences à leurs propres valeurs. En travaillant sur le long terme avec ces passionnés, créateurs de contenus, les marques transmettront plus facilement leurs valeurs à travers eux », prédit-il.

Une fois ce canal de distribution de confiance créé, Anthony Delorme imagine l’apparition d’un nouveau métier chez l’annonceur, celui de chief community officer : soit une personne à la fois manager des communautés de marque et responsable de la communauté des influenceurs avec lesquels elles travaillent (création de contenu, partenariats, etc.) : « Aux États-Unis, Away travaille déjà sur cette notion de communauté et de community officer », affirme-t-il. Et pourquoi pas voir arriver l’influence direct to consumer ? « De la même manière que la marque vend en direct au consommateur, son réseau d’influenceurs vendra en direct ses produits et développera un canal de distribution de confiance pour les marques ». Le directeur associé de Brainsonic donnant ainsi l’exemple de Thermomix, et Jolimoi dans la beauté (écosystème de marques) structuré autour de « communautés digitales et locales d’utilisateurs ».

– Mesure & ROI
Pour Alexander Frolov, CEO et co-fondateur de HypeAuditor, le marketing d’influence basé sur la performance est l’avenir : « De nombreuses marques s’appuyaient auparavant sur des canaux plus prévisibles et plus fiables, considérant le marketing d’influence comme un outil permettant d’accroître la notoriété de la marque. Cependant, aujourd’hui, un plus grand nombre de spécialistes du marketing ont une meilleure idée de la façon dont leur argent fonctionne et ne se contentent plus de deviner leur stratégie de marketing d’influence. » La plateforme dit s’attendre à ce que les budgets du marketing d’influence augmentent de manière significative à mesure que les entreprises travailleront à se concentrer sur la performance individuelle et le ROI des influenceurs à l’aide d’outils avancés d’analyse des médias sociaux.

Avec de tels objectifs, la mesure est donc un élément clé pour rassurer les marques encore hésitantes à se lancer dans une campagne d’influence de peur de ne pouvoir en observer les résultats concrets. Depuis juillet 2020, l’Interactive Advertising Bureau (IAB), sur une initiative de Kolsquare, a mis en place une task force dont l’objectif premier est d’uniformiser les outils de mesure et d’élaborer une norme commune.

Comme le rappelle le CEO de la plateforme spécialisée dans l’influence marketing, Quentin Bordage, « il n’y a pas une manière unique de mesurer la performance aujourd’hui. Le niveau d’attente et de satisfaction diffère en fonction de l’objectif des marques. Avec la maturité grandissante du marché, il y a une structuration de l’utilisation de l’influence marketing pour répondre à différents besoins (notoriété, augmentation des ventes, taux de transformation). »

La tendance la plus « actuelle » pour lui est donc « ROI driven » pour mesurer l’efficacité et la performance des campagnes d’influence. « C’était déjà un enjeu global et ça le sera sur les 4-5 prochaines années, présage-t-il. D’autant que les budgets marketing sont de plus en plus tournés vers le digital et l’influence marketing. Non seulement parce que cela fonctionne, mais parce que les médias digitaux plus traditionnels (bannières, etc.) performent moins avec les adblokers et la fin programmée des cookies. » L’écosystème s’oriente donc logiquement vers le native advertising et influence marketing : 65 % des marketers US prévoient d’activer ce levier cette année.

« Beaucoup de DNVB (Digital Native Vertical Brand) ont été précurseurs sur l’influence marketing, avant que de grands groupes viennent se positionner massivement sur ce levier-là en y injectant beaucoup d’argent, rappelle Quentin Bordage. Les enjeux financiers ont donc rendu nécessaires, si ce n’est indispensables, le pilotage et le reporting de performance en termes de ROI. »

– Donner données
Il note ainsi une convergence entre les technologies d’influence et les technologies d’affiliation pour être au plus près de la vente finale (comme Amazon avec son Influencer program) expliquant du même coup le récent partenariat technologique entre Kolsquare et Affilae. Le CEO de Kolsquare pointe un enjeu de mesure et de collecte de données relatif aux objectifs de notoriété. Si la tendance est à la limitation de l’accès à ces données-là, notamment dans l’écosystème Facebook, une grande disparité d’accès existe entre plateformes, dans l’accès aux données, certaines comme Snapchat et TikTok n’ayant pas d’API, même si des données sont disponibles en ligne pour la plateforme de Bytedance, mais aussi dans la manière de mesurer ces indicateurs : 1 vue sur YouTube est différente d’une vue sur TikTok, 3 secondes versus 1 seconde.

Les fonctionnalités shoppable de Snapchat (avec Amazon) et d’Instagram illustrent ces enjeux et rappellent une nouvelle fois l’importance des données.

« Pendant longtemps, l’influence, et dans une moindre mesure le social media, était tellement sexy pour les marques cherchant à rajeunir leur image qu’elles n’ont pas vraiment étudié les données montrant ce qui marchait ou non », se remémore Pierre-Loïc Assayag. Les marques dépensaient des sommes monstrueuses sans vraiment se poser la question de la rentabilité des investissements. Les best practices à poursuivre et celles à stopper.

« Avec la Covid, les marques n’ayant pas mis d’outils en place pour analyser ces données ont ralenti dans leur pratique du marketing d’influence, quand les autres ont arrêté les actions non rentables pour investir dans ce qui fonctionnait », explique le CEO de Traackr. L’idée de réintégrer le marketing d’influence au cœur de la mesure est une tendance qui a commencé l’année dernière et va s’amplifier, parie-t-il. Data scientists, et dashboards incluant l’influence ne sont plus des variables inconnues pour les marques. En revanche, « les entreprises, market-place d’influence et agences qui ont marché sur le buzz et moins sur le résultat vont lutter pour passer le cap en 2021. »

Un constat partagé par Arthur Kannas (Heaven) pour qui « la multiplication des opportunités de collaboration avec des créateurs de contenus aux exigences et à l’efficacité diverses, et la variété des approches doivent inciter les marques à appréhender l’Influence de manière mieux structurée et plus stratégique pour tirer le meilleur parti de cet outil marketing. »

3. Nouvelles plateformes et nouveaux influenceurs

17,3 heures : c’est le temps passé sur TikTok chaque mois par les utilisateurs français dixit le dernier Digital Report de We are Social réalisé en partenariat avec Hootsuite. L’année dernière à la même date, cette plateforme était encore regardée du coin de l’œil par des adultes circonspects d’observer l’enthousiasme qu’elle suscitait auprès des jeunes. Le confinement est depuis passé par là orchestrant une mutation irréversible en l’ouvrant à toutes les générations. Idem pour Twitch qui a vu ses audiences s’envoler en même temps que ce service de streaming vidéo en direct majoritairement dédié au jeu vidéo devenait un réseau social grand public.

L’avènement de ces nouvelles plateformes permettent aux influenceurs d’avoir accès à de nouveaux réseaux sociaux, signant la fin du monopole sur ce secteur avec Facebook Instagram ou YouTube estime-t-on chez Follow. TikTok a ainsi permis de dévoiler de nouveaux talents. « Nous constatons que les campagnes sont beaucoup plus multiplateformes qu’auparavant, note Samuel Skalawski. Aujourd’hui, les talents travaillent sur plusieurs plateformes et différents formats. »

Une tendance également observée du côté d’Ogilvy. La multiplication des plateformes entraîne une forme d’abondance, « première étape d’un âge d’or des contenus » où l’offre est pléthorique. « Il n’y a jamais eu d’offres de contenus aussi diversifiées, qui plus est majoritairement portées par les influenceurs, relève Pierre-Hubert Meilhac. Ils se sont installés dans le paysage comme des personnes cohérentes, référentes, et comme de véritables créateurs de contenu ». L’émergence de ces nouveaux supports et influenceurs entraîne simultanément une perméabilité des contenus entre les plateformes, les influenceurs parvenant à transcender leur plateforme d’origine pour s’exporter vers d’autres supports, comme la télévision traditionnelle ou l’édition, à l’image de Lena Situations avec son livre.

Si l’abondance est réelle, elle n’en est pas moins « responsable » pour Pierre-Hubert Meilhac : les influenceurs installés, comme les nouveaux, sont très conscients de leur valeur et de ce qui fait leur spécificité en tant que marque éditoriale. « Un recentrage s’opère, les formats longs se généralisent sur les réseaux sociaux prouvant que les influenceurs sont sûrs de la valeur ajoutée apportée à leur communauté. Ils n’hésitent pas à se recentrer sur une ou deux plateformes et aller sur des formats qui privilégient l’attention plutôt qu’être présents partout et courir après le reach. »

Pour Arthur Kannas (Heaven), « TikTok confirme sa capacité à faire émerger régulièrement de nouveaux talents, comme c’est souvent le cas pour accompagner la maturité commerciale de la plateforme ». En juillet dernier, la plateforme de Bytedance a créé un fonds doté de 60 millions d’euros à destination des créateurs de contenus européens les plus influents, avec l’objectif de réunir 255 millions d’euros d’ici trois ans. Sept TikTokeurs français ont pu en profiter à son lancement. Un bon moyen de s’assurer qualité et diversité de contenu en continu.

« On y voit naître de nouveaux profils qui débordent le périmètre initial musique-danse de l’application chinoise pour développer les thématiques rémunératrices clés comme la mode, la beauté et la tech, note le président de l’agence Heaven. Par ailleurs, les marques et les plateformes plus mûres comme YouTube ou Instagram privilégient l’apparition de content creators de taille intermédiaire qui recherchent encore légitimité, croissance et fortune. »

Chez Reech, on mise sur le content studio influencer pour obtenir de belles productions. Le confinement a permis à ces créateurs d’appréhender de nouveaux outils, et d’offrir une montée en gamme à leur contenu, leur permettant de pousser le curseur plus loin dans la création, à l’image de ce que réalise TikTok avec ses ambassadeurs.

Il s’agit d’exploiter le métier et les multiples facettes de l’influenceur qui peut être CM, photographe, graphiste, etc. Comme ce qui a été réalisé pour Cultura et Natures et Découvertes où des créateurs de contenu ont produit eux-mêmes des publications mettant en scène les produits de la marque sur sa page Instagram (+44K abonnés).

Pour maximiser ce levier et booster les campagnes, l’amplification s’impose peu à peu. Là où un post Instagram a une durée de vie limitée à une vingtaine d’heures, l’amplification média permet à une marque de sponsoriser des contenus produits par des influenceurs afin de capitaliser sur leur image. Ce qui se fait beaucoup aux États-Unis, rapportent Alexandre Saillard et Arthur Brenac, respectivement creative influence manager et creative strategist chez Reech. Un levier encore peu exploité par le marché français, mais qui multiplierait pourtant la performance d’un contenu par 4. Une perspective qui génère de plus en plus de demandes, nous confie-t-on chez Reech.

4. Vidéo, live vidéo

D’année en année, le format vidéo confirme son succès et trouve de nouveaux terrains d’expressions. Si les stories paraissent déjà datées, le format se déploie sur de nouvelles plateformes comme LinkedIn et Twitter. Chez Follow, agence et studio de création, les sollicitations se font plus pressantes qu’avant : « La tendance va évoluer, car elle permet à tout le monde de devenir créateur de contenu et créatif », prédit Samuel Skalawski.

De son côté, Instagram a lancé les Reels, un format qui double le reach (avec le feed et onglet dédié), et confère beaucoup plus d’émotion et de créativité, estime pour sa part Agathe Nicolle (WOÔ).

Arthur Brenac, creative strategist chez Reech, voit quant à lui dans l’éclosion des lives un retour salvateur à l’instantanéité. Une instantanéité rafraîchissante que l’on trouvait sur Instagram à ses débuts. Aujourd’hui, les communautés friandes d’authenticité renouent avec le live : pendant le confinement, de nombreux influenceurs, personnalités et créateurs de contenu se sont emparés, sans fard, de ce format pour maintenir le lien et dialoguer sur un ensemble de sujets apparus pendant cette période. Comme le souligne Alexandre Saillard, creative influence manager de Reech, « les influenceurs sont le reflet des sujets de discussion du public. Il y a autant de tendances que d’intérêts qui animent les communautés. » Le live était donc l’outil tout trouvé pour la spontanéité, puisqu’il ne permet aucune retouche a posteriori. Poussant ainsi les marques, « à revoir les indicateurs de succès de ces nouvelles opérations, parfois jusqu’à la vente, et à accepter de prendre des risques sur la production », pointe Arthur Kannas.

Que ce soit pour Twitch, qui a multiplié son taux de vue par 2 entre 2019 et 2020, et accueilli Enjoy Phoenix en fin d’année dernière, suivi par Samuel Étienne ou encore McFly et Carlito, ClubHouse en pleine croissance ou encore TikTok, format snackable par excellence où l’on se montre tel qu’on est.

5. Social commerce & live shopping

Les plateformes n’ont pas attendu le confinement pour déployer leur fonctionnalité shopping, d’Instagram (sauf sur les Reels pour le moment), à Pinterest en passant par Snapchat et TikTok (Bytedance a d’ailleurs annoncé le 23 février dernier un partenariat avec Shopify, « pour accompagner les entreprises françaises dans leurs stratégies de commerce connecté »). Toutefois, la crise sanitaire n’en a pas moins bouleversé nos habitudes et modes de consommation et a vu s’envoler le e-commerce. Sur 41 millions de Français actifs sur Internet au 2e trimestre 2020, 71 % ont effectué des achats sur des sites e-commerce disposant de magasins physiques, rappelle Kolsquare.

Le social commerce a ainsi signé une entrée fracassante offrant aux marques la possibilité de vendre des produits directement sur les publications et d’acter leur transformation.

Pierre-Loïc Assayag (Traackr) a ainsi vu s’opérer un déplacement « évident » du marketing d’influence vers le social commerce et le e-commerce. « Avec la pandémie, le commerce physique a beaucoup souffert et poussé les marques à aller vers un marketing de performance et le social commerce. En 2020, les marques déjà prêtes ont pris une avance incroyable et la tendance va s’amplifier cette année, les autres marques vont obligatoirement devoir s’équiper. »

L’étape suivante consistera, pour toutes les personnes qui travaillent dans le retail (commerce physique), ou celles qui ont une présence sociale et une expertise à partager, à se reconvertir dans l’influence en tant qu’ambassadeur, c’est-à-dire en travailleur indépendant affilié à une marque. « Le commerce se déplaçant en ligne, elles n’ont d’autres choix que de procéder au même mouvement, prédit encore Pierre-Loïc Assayag. Imaginez ainsi une version des vendeurs-experts des Galeries Lafayette qui activeraient leur présence en ligne et deviendraient des agents de marques pour recommander à la vente de produits ». Pour s’inspirer de modèles existants, il suffit de regarder vers la Chine où le marketing d’influence ressemble à cela depuis longtemps déjà.

Pierre-Hubert Meilhac (Ogilvy) avertit toutefois : « Après le Covid, soit parce qu’on aura appris à vivre avec, soit parce qu’on en sera débarrassé, cette “liberté” retrouvée se partagera inévitablement sur les réseaux sociaux et créera logiquement une abondance de contenus à laquelle il faudra faire attention : les marques s’intéressant de plus en plus au social commerce via les influenceurs (visibilité et pression accrue) doublent généralement cette présence par du paid et pilonnent les timelines personnelles. Il faudra veiller à ne pas passer de l’ère de l’abondance et à celle de l’indigestion. » Ou à ce que les plateformes ne deviennent pas des plateformes de shopping.

Pour Follow, le social selling est un pari et un levier qu’ils ont vu venir en observant la tendance naître et se développer en Chine à travers les Social Ninja. « C’est l’avènement du live shopping où des influenceurs “télé-achat” vendent des produits à travers des plateformes, comme WeChat principalement, assure Samuel Skalawski. Ce type d’événements se met progressivement en place en Europe et dans le reste du monde. Les réseaux sociaux vont permettre aux utilisateurs d’acheter des produits présentés en live sans sortir de l’application. » Il voit ainsi cette tendance s’installer où des influenceurs vendront directement en live les produits qu’ils mettent en avant et permettront ainsi aux marques, de plus en plus exigeantes en termes de ROI, de traquer une campagne et visualiser si elle performe commercialement.

Follow donne ainsi l’exemple d’une récente opération de live shipping réalisée avec les Galeries Lafayette pour la marque Kylie Skin by Kylie Jenner. Sur un plateau télé, une influence discutait en live (accessible sur le site des Galeries) avec une experte make-up pendant que les utilisateurs pouvaient acheter les produits présentés et bénéficier de remises durant le temps que durait le live shopping.

2021: Video kills the TV-shopping star !

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