La TV peut-elle encore innover ?

Par Aude M. et Xuoan D. le 17/11/2016

Temps de lecture : 8 min

TVs not dead !

Annoncés sur le déclin, les groupes télévisuels font face à des menaces plus ou moins nouvelles : l’éclatement de l’audience avec la TNT, la percée de plateformes digitales comme YouTube, et un désintérêt des jeunes pour le poste télévisuel. Pourtant, pas une soirée sans que les programmes TV ne se placent en tête des trending topics sur Twitter. Le live digital et le replay des chaînes apportent quant à eux un regain de solutions cross-device pour les régies grâce à la data. Afin de faire le point sur ce secteur en pleine transformation, nous avons interrogé les responsables innovation et publicité de TF1, M6 et NextRégie. En route vers le futur de la TV !

Intervenants

Guillaume Charles
Directeur général adjoint
M6 Publicité

Frédéric Degouy
Directeur du marketing et revenue management, NextRégie

Olivier Ou Ramdane
Directeur des nouveaux business
Groupe TF1

Philippe Boscher
‎Directeur marketing digital et innovation
TF1 Publicité

Le contexte

Le plus grand enjeu clé actuel des chaînes TV est de suivre les nouveaux modes de consommation et de capter les audiences là où elles se trouvent : “nous sommes passés d’un monde mono-écran et sédentaire à un monde multi-écrans et nomade” comme le résume Olivier Ou Ramdane, directeur des nouveaux business du Groupe TF1.

Cette démultiplication des points de contact peut-elle affaiblir les groupes TV ? « Le digital et la TV linéaire ne sont pas à opposer » selon Frédéric Degouy, directeur du marketing et revenue management de NextRegie : “la télévision est déjà online. Pour preuve, 60% des Français la reçoivent par un flux digital !” Olivier Ou Ramdane rejoint son avis : “On ne doit pas confronter les expériences du linéaire et du replay.” Le replay et l’IPTV permettent de démultiplier l’audience des programmes de flux avec des plateformes riches et personnalisées.

La digitalisation des écrans s’accompagne d’une toute nouvelle personnalisation des contenus grâce à la data. Pour Guillaume Charles, directeur général adjoint de M6 Publicité, les groupes télévisuels sont passés “de l’univers broadcast avec la chaîne comme émetteur d’un même signal à tout le monde, à un univers one to one via les usages dématérialisés.” Ce qui permet in fine de mieux connaître l‘individu, que ce soit pour concevoir des programmes qui l’intéressent ou mieux le cibler d’un point de vue publicitaire.

Quid des audiences ? Les jeunes sont-ils en train de délaisser la TV pour des pure-players digitaux comme YouTube ou Netflix ? “La télévision vieillit en audience, c’est un fait” comme le révèle Guillaume Charles pour qui “le co-leadership sur les moins de 50 ans” de son groupe est clé. Si l’audience TV se seniorise dans son ensemble, les chaînes bataillent pour rester séduisantes auprès des plus jeunes, évitant ainsi de devenir des médias efficaces uniquement pour des actions de silver marketing. Le directeur général adjoint de M6 Publicité tempère le tsunami annoncé en indiquant que “les jeunes regardent encore la TV 1h30 par jour”. Ce qui est néanmoins inférieur à la moyenne de 3h37 pour l’ensemble de la population française.

Face à cette tendance de fond, l’investissement publicitaire n’a pas de quoi conforter les chaînes, comme l’indique Frédéric Degouy : “la croissance modérée des investissements publicitaires (+0.3% pour S1 et -0.4% pour les médias historiques) et la concurrence des géants américains constituent un contexte de défis permanent pour les régies plurimédia”.

Dans cet écosystème incertain, les chaînes TV n’ont pas d’autres choix que de développer des offres et des services adaptés aux attentes des marques, mais également aux nouveaux usages du public : des innovations programmes, en passant par de nouveaux formats de contenus, ou encore par les technologies immersives. Comment les chaînes se différencient-elles sur le marché ? Pour mieux offrir aux marques émergence et notoriété.

Les innovations programmes

Les écrans désormais abreuvés par la TV linéaire, l’IPTV, le live digital ou le replay génèrent des expérimentations “autour des nouvelles formes d’écriture, des nouveaux formats, en résonance avec l’émergence de devices inédits” comme explique Olivier Ou Ramdane. Transmédia, contenus interactifs ou additionnels sont autant d’opportunités pour les marques télévisuelles de surprendre leurs audiences.

L’expansion des terminaux est loin d’être achevée avec un vif intérêt des groupes média pour la réalité virtuelle. “Une technologie totalement immersive” selon Guillaume Charles qui permet de faire interagir les spectateurs avec l’environnement des chaînes. En attendant que la “VR” soit accessible au plus grand nombre, le groupe M6 a dynamisé sa couverture de l’Euro 2016 en proposant “la téléportation des joueurs” grâce à des hologrammes. Une innovation digitale qui était accessible au plus grand nombre puisqu’elle avait lieu en broadcast. Preuve que la TV linéaire peut encore nous surprendre !

Cette TV dite traditionnelle a su bien évidemment prendre le virage de la social TV il y a 4-5 ans, en “utilisant la résonance sociale afin d’avoir des interactions avec les téléspectateurs” selon Guillaume Charles. “Il s’agit d’un vecteur de rayonnement pour les programmes, et l’inverse est vrai : les sujets les plus tweetés, partagés sont des contenus issus de la TV.” Si bien que les chaînes ont désormais des partenariats “pour commercialiser la résonance sociale des programmes sur les réseaux sociaux” comme l’indique Philippe Boscher, qui en tant que directeur marketing digital et innovation de TF1 Publicité a été aux premières loges de la signature d’un accord entre sa régie et Twitter. La social TV prouve que l’atout clé des groupes télévisuels demeure “le live sous toutes ses formes” selon Philippe Boscher (TF1 Publicité), ce que confirme Frédéric Degouy (NextRégie).

L’innovation publicitaire

Pendant du live côté programmes, le temps réel s’invite dans l’investissement publicitaire de la TV linéaire. Philippe Boscher évoque la gamme d’offres “creative screen” de TF1 Publicité fondée sur la réactivité et le temps réel des spots TV. La chaîne propose de diffuser sur les écrans TV des spots TV alimentés directement en temps réel. “Pour l’annonceur cela va être en fonction de ses stocks, de ses prix. Il peut donc ajuster sa proposition de valeur au moment du spot TV.” Comme avec le programmatique digital, tous les paramètres du contexte sont bons à prendre pour davantage de pertinence : l’offre Météo Planning de M6 permet à des marques d’adapter en temps réel la pression TV en fonction du temps qu’il fait.

Au-delà du temps réel de la TV linéaire, le live digital permet des opportunités inédites comme le liveswitching / l’adswitching développé par NextRégie et TF1. Ces offres permettent de remplacer “des écrans publicitaires live par des publicités adservées en digital” comme l’explique Frédéric Degouy. Des publicités digitales qui peuvent être achetées en programmatique, couplées à des datas, promettant ainsi de servir la bonne publicité au bon contact et au bon moment, se détachant ainsi de la logique broadcast prévalant jusqu’alors pour le live. Philippe Boscher détaille : “la publicité que vous allez voir sera potentiellement adaptée à votre ville, région et à la zone de chalandise pour votre enseigne.” Il précise “nous entrons dans une expression locale qui intéressera de nouveaux annonceurs. Par exemple, Alloresto diffusait jusqu’alors sa publicité au niveau national. Désormais, la marque aura la possibilité de pouvoir cibler les grandes agglomérations où la marque est bien présente et uniquement dans ces zones-là.” Ce qui contourne au passage l’interdiction faite à la publicité TV d’être adressée. Qui a dit que le digital était l’ennemi de la TV ?

Ce foisonnement de datas permet aux régies plurimédia issues de la TV d’envisager de nouvelles approches, comme l’explique Guillaume Charles : “grâce aux données mensuelles de Médiamétrie, nous avons une data déterminée. Par ailleurs, nous sommes en discussion avec des éditeurs pour voir comment nous pouvons croiser nos données sur une plateforme ouverte et travailler ainsi avec les annonceurs. En effet, eux aussi ont des données ! L’objectif est de voir comment nous pouvons croiser nos données pour être plus proche de la segmentation” au sein d’une DMP ouverte entre les marques et la régie. Pour Philippe Boscher, de TF1 Publicité, “au-delà de l’automatisation, la data permet de cibler autrement.” Selon lui, “il faut dépasser les notions de socio-démographie aussi bien en digital qu’en TV”. Pour cette raison, la chaîne travaille sur des cibles acheteurs : “on cible des acheteurs de yaourts, de shampoings, de voitures…” Il s’agit alors facturer des consommateurs par catégorie de produit via le GRP data.

Or avec autant de profils acheteurs ciblés, autant leur proposer… d’acheter en quelques clics ! C’est par exemple ce que les régies de TF1 et M6 ont pu mettre en place avec la startup Swaven. Des boutons “Où acheter” présents sur les spots vidéo digitaux permettent d’identifier où un produit est distribué à proximité, que ce soit en retail ou en e-commerce.

Perspectives

La vague d’innovation des groupes télévisuels semble n’en être qu’à ses débuts : plus les usages digitaux de la TV continueront leur croissance, plus les possibilités offertes par la data, le programmatique et le shoppable renforceront l’efficacité des campagnes proposées aux annonceurs. Afin d’être certain de ne pas rater les prochaines startups qui impacteront durablement l’investissement publicitaire vidéo, les chaînes se lancent dans des programmes d’open innovation. Citons notamment le programme d’incubation de TF1 qui va “collaborer avec 8 startups lors de la 2e saison du programme” selon Philippe Boscher. Cela permettra au groupe “d’aller plus vite sur le domaine de l’e-sport, la data, l’automatisation, les nouveaux contenus, l’adtech…”, et de renforcer l’impact business des campagnes proposées aux annonceurs. Le Groupe TF1 a créé en parallèle le fonds One Innovation pour investir un total de 2 millions d’euros en phase d’amorçage de startups. De quoi anticiper sereinement les disruptions à venir.

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Letter to to the Future pour Accor

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