3 principes pour réinventer le modèle agence

Par Xuoan D. le 30/01/2017

Temps de lecture : 6 min

Dans un contexte économique et digital où il faut produire plus, pour moins cher, le modèle des agences est sous pression.

Pour répondre à ces enjeux, Davy Tessier, CEO et co-fondateur de DISKO, nous dévoile la dernière itération de son modèle agence – auto challengé en permanence – dans lequel il est question de tuer son patron, de faire appel au GIGN et de supprimer les basses besognes. Vous voilà prévenus : cela va swinger !

 

Pourquoi est-il clé aujourd’hui pour une agence de réinventer son modèle ?

Davy Tessier : Nous sommes à une époque charnière, où le digital transforme réellement des activités, et développe le chiffre d’affaires des entreprises. C’est ce que nous appelons le Digital Power. Ces transformations nous incitent à notre tour à faire évoluer le modèle d’agence.

D’abord parce que les talents préfèrent aujourd’hui travailler pour une start-up ou un annonceur plutôt qu’en agence. Ensuite, les annonceurs ont tendance à se plaindre de leurs relations avec les agences en général. Enfin, il y a aujourd’hui une très grande granularité d’offres sur le marché, avec de nouvelles formes de concurrence pour les agences, qu’elles viennent de nouveaux acteurs ou des agences / studios internes des annonceurs.

Parallèlement à ces raisons, nous concentrons nos forces pour faire mentir le paradoxe que tout dirigeant d’agence connaît bien : plus l’entreprise grandit plus la productivité globale créative, technique et stratégique mais aussi l’agilité diminuent. Dans le monde des start-up c’est pourtant l’inverse : plus il y a de monde qui travaille sur Facebook par exemple, plus la qualité de la plateforme augmente. D’où le paradoxe.

À nous d’entrevoir l’agence non pas seulement par son offre mais par sa capacité à mieux coller aux besoins de ses clients. Or avec le digital, les besoins des annonceurs se résument souvent à “plus vite, pour moins cher”. C’est donc un défi organisationnel et de méthodologie pour les agences, puisque le modèle taylorien qui régit encore le marché ne va plus assez vite pour les annonceurs.

 

Comment répondre à ces enjeux d’un point de vue organisationnel ?

DT : Tout d’abord, avec un premier principe : “SMALL TEAM HUGE IMPACT”.

Cette approche est importante pour nous car elle structure la réponse apportée au client. Nous pensons qu’un commando du GIGN est plus efficace qu’un car de CRS. Ce n’est pas la réponse classique dans beaucoup d’industries, et notamment dans la communication avant l’arrivée du digital.

D’un point de vue organisationnel, nous mettons tout en place pour être en capacité de produire avec la “minimum viable team”. Ce qui implique de retirer tous les éléments intermédiaires que l’on pourrait qualifier de passe-plats ou des managers excessifs. Plus l’agence grandit, plus ce type de profils génère des effets de bord et de la perte de productivité. Nos chefs de projet sont d’abord des experts métier, à qui l’on confie le lead d’un projet. Cela implique d’avoir des équipes pluridisciplinaires seniors, parfaitement alignées sur les besoins des clients. Des équipes qui gèrent aussi bien l’avant-vente que la production ou le conseil au quotidien, organisées par projets et non par spécialités.

L’objectif de chaque équipe est de contribuer à l’acculturation au digital des annonceurs. Ce qui passe par placer potentiellement des personnes à mi temps ou à plein temps chez nos clients, d’être en dialogue permanent avec ces derniers sur Slack… L’époque est à la transparence, à la manière des chefs étoilés qui ouvrent des baies vitrées sur leurs cuisines pour que les convives puissent les voir à l’œuvre.

Enfin, comme en start-up, nous augmentons le nombre de feed-back : nous suivons de manière automatisée et régulière la satisfaction de nos collaborateurs et de nos clients en les faisant cliquer sur des gifs animés qui vont du vomi au bisou langoureux et ceci pour chaque projet.

 

Toutes les tâches en agence ne sont pas forcéments “nobles” ou demandant une forte expertise. Comment des équipes seniors les traitent-elles ?

DT : Notre deuxième principe est : “KILL MY DIRTY TASK”.

L’idée est d’éviter que des profils à forte valeur ajoutée se concentrent sur des tâches à faible valeur ajoutée. Pour cela nous supprimons ou sous-traitons toutes les tâches répétitives et fastidieuses. Un système en interne automatise énormément de choses, notamment les plannings. On ne croit pas au fait de “muscler” l’agence avec une armée de stagiaires. Tout cela est mis en place pour conserver l’enthousiasme de nos meilleurs profils.

 

Justement, comment adaptez-vous votre management pour atteindre cet objectif ?

DT : Pour y parvenir, nous avons un troisième principe : “KILL THE BOSS”.

Ou si nous devions traduire ce mantra de façon polie : “we are makers”. C’est à dire que nous avons une approche d’artisans, qui s’oppose aux organisations tayloristes classiques, construites comme la société : personne ne doit être payé pour faire travailler les autres.

Nos directeurs de création sont des crafteurs. Nos managers sont des experts qui mènent leurs équipes en faisant. Mais ce ne sont pas les seuls à être mis en avant. Chez DISKO, tout le monde parle aux clients. Le créatif parle créa avec le client, le développeur parle de son application. Et il n’y a pas que les extravertis qui prennent la parole. Nous sommes convaincus que les clients n’ont pas besoin d’un “mur commercial” mais plutôt d’une acculturation au digital, totale et variée.

Cette approche “KILL THE BOSS” vaut aussi pour le top management : le rôle du top management est de se rendre le moins utile possible au quotidien pour se concentrer sur les clients et sur le quotidien de demain. Les équipes sont autonomes sur de nombreux sujets.

 

Est-ce que cela fonctionne ?

DT : Oui, à double titre. D’un point de vue RH, notre turnover est faible : deux fois inférieur à la moyenne du secteur. Plus la séniorité augmente, plus le turnover baisse.

Ensuite, l’agence croît entre 30% et 40% chaque année. Ce qui remet perpétuellement en cause notre offre de services et notre organisation, à la façon d’une start-up mécaniquement contrainte par sa croissance.

Enfin, nous sommes rentables, ce qui n’est pas un détail compte tenu des nombreux chantiers de transformation régulièrement testés.

 

D’autres agences ont-elles mis en place de tels principes ?

DT : Il est important de comparer ce qui est comparable. Il est plus facile de mettre en place des choses autour de l’épanouissement des salariés dans une petite structure car l’inertie est plus faible et cela dépend grandement de l’énergie du créateur. Mais c’est un tout autre challenge pour une agence d’une centaine de personnes présente dans 4 capitales européennes ! Confronter ses idéaux à la réalité remet en cause bien des principes tout au long de la croissance de l’entreprise.

Nous suivons de près les tentatives ou cas partagés ailleurs. L’une des premières agences à avoir préempté un modèle proche du nôtre est Big Spaceship. Une agence américaine dont l’approche a fait l’objet d’une publication par Harvard en 2009.

 

Quelles sont les perspectives de votre modèle organisationnel ?

DT : Bouger plus et plus vite. Capitaliser sur la diversité internationale pour enrichir nos quotidiens nationaux. Faire en sorte que la croissance augmente la force de frappe de chacune de nos réalisations.

À terme, la meilleure réponse de l’agence serait d’ubériser sa structure. C’est à dire rendre celle-ci encore plus fluide, et que notre organisation soit quasi invisible pour les annonceurs. Seules les réponses apportées en un temps record seront perçues.

 

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