La RSE peut-elle intéresser le grand public ?

Par Xuoan D. le 02/04/2015

Temps de lecture : 10 min

En amont de la grande conférence Paris Climat, la question est d’actualité pour toutes les entreprises engagées. Si la communication RSE (responsabilité sociétale des entreprises) est habituellement destinée à l’interne et aux parties prenantes, la pression sociétale n’a jamais été aussi forte. Car en temps de crise, le public est en quête de sens et de valeurs repères. Les opportunités de prises de parole ne manquent pas pour les entreprises, si elles déjouent la tentation du green ou social washing. Un enjeu de taille que nous décryptons dans ce dossier en compagnie d’experts RSE.

Les experts RSE

Axel Renaudin
Directeur général adjoint
[tag]M&CSaatchi Little Stories[/tag]

Armelle Weisman
Directrice associée
Meanings

Thomas Guilmoto
Consultant RSE
[tag]Mindded[/tag]

Franck Bigot
Président
OCOM&CO

Serge Michels
Président
Groupe Protéines

Un contexte mêlant confiance et suspicion

Pour Franck Bigot, président d’OCOM&CO, « les Français sont les champions du monde de la méfiance vis à vis du greenwashing. Comme si les entreprises n’avaient pas le droit de s’engager d’un point de vue environnemental, économique ou social. » De grandes entreprises qui sont vues comme « très désincarnées, multinationales, dirigées par des personnes peu visibles médiatiquement » selon Serge Michels, président du Groupe Protéines. Sans surprise, pour 80% des français interrogés quant à leur vision de l’agroalimentaire lors d’une étude menée par l’agence : « l’unique but des entreprises serait de gagner de l’argent sans se préoccuper de l’intérêt collectif ». Les entreprises devraient donc se contenter de vendre et de se taire ?

Au delà de cette méfiance épidermique, « la RSE en tant que concept n’a aucun intérêt pour le grand public » selon Thomas Guilmoto, consultant pour Mindded. « Pour faire de la RSE un levier d’attractivité et de désirabilité, elle doit s’incarner dans des mesures concrètes, pratiques, quotidiennes et accessibles. Le développement durable a longtemps été perçu comme déconnecté des préoccupations quotidiennes du grand public, et sa communication s’est fondée trop souvent sur un ton alarmiste et culpabilisant. »

Ajoutez à cela la crise depuis 2008, et nous pourrions imaginer que les questions de développement durable ou de consommation responsable ne seraient plus du tout à l’esprit du public et des entreprises. Au contraire, pour Axel Renaudin directeur général adjoint de M&CSaatchi Little Stories : « Dans la crise aiguë que nous traversons, nous avons tous besoin de nous réfugier dans des valeurs repères. » Thomas Guilmoto confirme : « Deux récentes études sur le comportement des consommateurs français, pour Ethicity /Kantar Media et [tag]Havas Worldwide Paris[/tag], traduisent une évolution rapide de l’intérêt des consommateurs pour la RSE. Un Français sur deux déclare intégrer désormais dans ses achats la dimension sociale et environnementale, quand ils n’étaient que 39 % à se dire concernés en 2004, selon l’enquête annuelle Ethicity-Greenflex 2014. »

Serge Michels relève également dans l’étude réalisée par son agence, « qu’une majorité de sondés pense que bien traiter ses salariés rassure sur la qualité des produits. » Ce qui montre que la RSE peut avoir un impact global sur la réputation de l’entreprise, et « n’est donc pas déconnectée des enjeux business ».

Pour Armelle Weisman, directrice associée de Meanings, la RSE s’impose désormais aux entreprises car « le grand public se soucie de plus en plus de l’environnement, des paramètres sociaux et a désormais un vrai pouvoir de réaction avec les médias sociaux. La RSE est à la conjonction de la pression sociétale et de la réputation des entreprises. »

L’enjeu de la réputation

En ayant un impact sur la réputation des entreprises, la RSE ne devrait donc plus être un sujet de niche mais un enjeu de communication globale. Avec les budgets adéquats, ce qui semble être encore rare en France.

Pour Serge Michels, « la confiance dans l’entreprise est comme celle dans l’individu. La personnalité, le comportement, tout compte. Un exemple : on va avoir du mal à dire de quelqu’un qu’il est honnête s’il frappe ses enfants. Il en est de même avec une entreprise. Chacun se crée une image globale, basée sur l’ensemble de ses éléments de personnalité. Sa vision, sa culture, ses actes vont créer du sens. Et ce n’est pas la publicité qui crée cet ensemble. Car le consommateur sait que la publicité a pour but de vendre. Alors que la RSE participe directement à la mosaïque qui permet d’avoir plus ou moins confiance dans une entreprise. »

Axel Renaudin, abonde dans ce sens : « Quand la communication autour de la RSE est bien faite, elle vient irriguer toute la communication de la marque. C’est là que le public s’y retrouve. »

Communication RSE et grand public : quelle formule ?

L’importance de la com RSE est désormais posée. Mais le challenge reste de taille, car nombre « d’éléments de la RSE n’intéressent pas le grand public » pour Serge Michels. « En caricaturant : ce n’est pas la peine de parler des ampoules à basse consommation du siège social. Pour que la RSE intéresse le grand public, il faut que cela le touche, qu’il y ait un impact sur le produit et le quotidien du citoyen. »

Pour Armelle Weisman, « la très grande spécificité de la communication de la RSE est qu’elle doit exister par la preuve, mais aussi par la prise de parole des parties prenantes référentes. » Thomas Guilmoto confirme : « en tant que communicants, nous avons réorienté notre approche. D’un discours global,  hermétique et vertical qui ne parvenait pas à impliquer le grand public, nous sommes passés à un discours axé sur le local, le concret, l’horizontalité et la preuve pour faire du consommateur un acteur du changement. Le discours de marque des entreprises responsables est désormais positif ! »

Ce qui n’est pas toujours simple selon Serge Michels, car « les entreprises ont parfois du mal à aborder le fond de la RSE. Dans leurs activités et leur communication. Il faut aller dans le dur du sujet, ne pas rester en périphérie. » Or pour cela, il faut qu’il y ait des actions, des transformations plus ou moins lourdes, en plus d’une communication externe.

Une hiérarchisation des publics peu commune

Serge Michels s’étonne qu’il n’y ait « pas toujours de forte corrélation entre actes et communication RSE. Porté par un patron visionnaire, Pernord Ricard a historiquement toujours eu de nombreux projets RSE, sans pour autant en faire un axe de communication fort. McDonald’s en revanche agit tout en ayant fait de la RSE un vrai enjeu de communication. »

Pourquoi une telle différence ? Cela tient à 2 paramètres : la nature initiale de la communication RSE et la pression sociétale.

Pour Armelle Weisman, « la 1ère cible de communication RSE est d’abord l’interne. La 2ème cible : les institutionnels. 3ème cible : les parties prenantes. » Le grand public ne fait pas partie directement de ces cibles pour nombre d’acteurs de la RSE.

Deuxièmement, la pression sociétale peut inciter une entreprise à agir côté RSE puis à communiquer. L’entreprise McDonald’s serait-elle aussi engagé si elle n’avait pas des comptes à rendre en tant que symbole de la malbouffe à l’américaine ? Serge Michels remarque également que « les entreprises sidérurgiques communiquent peu en RSE malgré leurs activités polluantes. A contrario des entreprises spécialisées dans le gaz de schiste. » Un sujet imminemment médiatique, nécessitant un débat communicationnel.

Autre parcours inhabituel : les entreprises du CAC40 sont tenues de produire des rapports RSE, c’est à dire à communiquer. Or comme le remarque Armelle Weisman, « pour avoir des choses à mettre dans les rapports, il faut agir ». C’est à dire des engagements quasi commandés par la communication, elle-même commandée par les obligations légales !

RSE et création

Quid des contenus et de l’intérêt du public ? Pour Thomas Guilmoto, « la RSE intéresse le grand public à condition d’en rendre le discours accessible à tous, de faire appel à la création artistique – le succès de l’illustration de Pénélope Bagieu sur la pêche en eau profonde l’atteste – de crédibiliser sa communication par la preuve et de responsabiliser le consommateur. »

Axel Renaudin rassure : « communication RSE ne signifie pas communication austère. C’est un point indispensable pour espérer ne pas être noyé dans la masse des discours RSE. Certains l’ont bien compris en communicant sur des actions justes et fortes avec de beaux parti-pris créatifs, Yves Rocher par exemple. Mais il faut faire attention, être créatif sur le discours RSE ne sert à rien si la parole n’est pas 100% honnête et transparente. C’est la ligne rouge. Il ne faut communiquer que sur du vrai. Sinon cela peut vite se retourner contre l’émetteur du message. » 

Face à de tels enjeux, nous conclurons ce dossier par quelques cas créatifs qui ont su intéresser le grand public.

Ikea – Durable & vous

IKEA lance « Durable & Vous », une expe?rience de 6 mois pour sensibiliser le plus grand nombre – clients, blogueurs et collaborateurs de IKEA – a? adopter un mode de vie plus durable a? la maison avec des solutions simples et accessibles a? tous. Les magasins IKEA a? Bordeaux, Lille, Metz, Montpellier, Nantes, Paris Nord, Plaisir, Saint-Priest, Strasbourg et Tours participent au projet.

Mindded – SNCF – voisins à bord

La démarche sociétale « Voisins à Bord » est née d’un partenariat entre SNCF Voyages et l’association Voisins Solidaires, organisatrice de la Fête des Voisins. Parce que nous sommes tous voisins le temps d’un trajet, cette opération a pour objectif d’encourager la bienveillance à bord entre voyageurs et faire progresser la relation de proximité pendant le voyage.

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Cas Protéines

• Pink Lady : Des campagnes de communication ainsi que des journées d’échange avec des blogueurs et journalistes, tout a été mis en place pour montrer avec transparence comme cette variété de pommes est produite.

• Blédina : L’opération témoin parent. Un groupes de parents est invité pour la visite de l’ensemble de la filière agricole : de la production agricole, jusqu’au process, afin de se rendre compte du contenus des petits pots. Au total, quatre opérations avec une vingtaine de parents, à laquelle s’ajoute une campagne de communication réalisée par BETC.

Mindded – Intermarché

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Thomas Guilmoto : « Pour finir, j’évoquerais la campagne Anti Gaspi qui illustre parfaitement notre approche. Désireux de casser les préjugés associant systématiquement le développement durable à la cherté, nous voulions montrer aux consommateurs qu’on peut faire des économies tout en étant respectueux de l’environnement. L’angle d’attaque ? Revenir à l’essentiel et faire du consommateur un acteur. Ainsi, lors de la semaine européenne de lutte contre les déchets, nous avons proposé à Intermarché de développer une campagne à l’entrée des magasins prouvant que moins un produit contenait d’emballages, moins il coûtait. Un stand avec un caddie mini déchet face à un caddie maxi déchet, un affichage impactant, un discours clair, avec à la clef un avantage financier (économies) et morale (contribution à la lutte contre les déchets) et voilà comment intéresser le public à la RSE ! »

O’communication – le triman de l’Ademe

Ce nouveau logo baptisé « triman », destiné à informer le consommateur par une signalétique commune sur le packaging de produits qui relèvent d’une consigne de tri, est entré en vigueur au 1er janvier 2015. Réalisé par l’agence O’communication en 2012, ce logo voulu par l’ADEME aura mis 3 ans à voir le jour lié à la nécessité d’obtenir un consensus entre les différentes parties prenantes.

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Delta Airlines

Delta s’engage à travailler de façon durable et être à la recherche de nouvelles pratiques pour réduire l’empreinte écologique. Ainsi, l’effort se place sur l’amélioration de l’efficacité énergétique des appareils ainsi que l’équipement de soutien au sol, la réduction et le recyclage des déchets d’exploitation, la recherche de carburants alternatifs et des possibilités de transport en commun pour les employés. Le bénéfice pour les clients est ainsi de compenser les émissions de gaz à effet de serre engendrées par leurs déplacements en avion.

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Biocoop – la campagne responsable

Biocoop prend au pied de la lettre le challenge d’une campagne de communication éco-responsable. Du transport des équipes, aux technologies, en passant par la lumière, les acteurs, la post production et jusqu’au compte Twitter, tout a été pensé éco-responsable.

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https://www.youtube.com/watch?v=R5yWHZpufEM

Orange : ce que vous attendez d’un opérateur responsable

Orange : Orange mène une politique active en matière d’écoute de ses parties prenantes. Ainsi, le site Ce Que Vous Attendez d’un Opérateur Responsable permet à chaque personne de découvrir les douze domaines d’actions RSE du groupe et de choisir les trois qui ont, selon elle, la plus grande importance.

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BNP Paribas, la banque responsable

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Sur le thème des relations entre une banque et ses partenaires, BNP Paribas a ouvert en 2013 un espace de discussion sur son site. Les internautes ont pu exprimer librement leurs idées et leur avis sur Twitter avec le hashtag #banqueresponsable. La réponse était assurée par un animateur de communauté expert de la politique RSE de l’entreprise. La réactivité conversationnelle était la clé de cette initiative.

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