Au cœur de la réussite des 85 ans de Monoprix

Par Xuoan D. le 29/06/2017

Temps de lecture : 7 min

Petit budget média, grand film, maxi résultats.

La campagne anniversaire de Monoprix de mai dernier est-elle la plus marquante du 1er semestre en France ? Si nous ne répondrons pas totalement à cette question aujourd’hui, « #laitdrolelavie » a quelques arguments en sa faveur de par le plébiscite de son (grand) format, sa viralité – 12 millions de vues – ou ses résultats commerciaux avec une hausse de +2% à +3% du trafic et un pic de fréquentation inattendu en magasin. Pour tenter d’en décoder les clés de succès, nous avons rendez-vous avec Florence Chaffiotte, directrice marketing de Monoprix, ainsi que Jean-Patrick Chiquiar, co-fondateur de [tag]Rosapark[/tag].

Le brief

Monoprix a eu 85 ans cette année. Mais comme l’explique Florence Chaffiotte, l’enseigne « ne pouvait fêter son anniversaire de la même façon que ses concurrents de la grande distribution ». Il était nécessaire pour Monoprix « là aussi de faire le pas de côté, et célébrer cette date avec audace ».

Au-delà du devoir d’originalité de la campagne à venir, la directrice marketing de Monoprix a également rappelé que Monoprix devait « avant tout célébrer l’anniversaire de la relation entre la marque et ses consommateurs », plutôt que de simplement souffler les bougies de la marque.

C’est ce brief « incroyablement ouvert » qui a été donné à l’agence lead de Monoprix, [tag]Rosapark[/tag]. Aux équipes de celle-ci « de partir dans leur coin, pour être audacieux, à l’image de la marque. »

La campagne

Si vous découvrez aujourd’hui cette campagne – ce qui serait étonnant vu ses résultats exceptionnels ! – voici notre article au lancement en mai dernier. L’article du jour ne détaillera donc pas le spot de 4 minutes, ni ses fins alternatives, ou encore les volets affichage et digital de la campagne.

Revenons plutôt à la genèse de la campagne #laitdrole la vie !

Comme l’explique Jean-Patrick Chiquiar, les équipes de Rosapark ont donc cherché à célébrer « l’anniversaire d’une rencontre ». Il restait donc à « identifier l’élément premier de rencontre entre Monoprix et ses consommateurs. » « Il s’agit des packs ». Des packagings aux jeux de mots qui font le succès de la marque depuis plusieurs années, que l’on retrouve déclinés sur les médias sociaux, et qui servaient déjà à transmettre des messages entre personnes. L’agence a donc mis les packs et leurs petites phrases au sein de sa réflexion créative. Ce qui en termes d’attribution, au moins, ne fera pas débat ! (comme ce fut le cas avec Intermarché).

À quoi peuvent servir les packs dans une campagne anniversaire ? Les créatifs ont d’abord pensé à « un petit garçon qui écrirait à sa maman via les packs pour la fête des mères », tombant elle aussi en mai. Mais l’idée « d’une rencontre amoureuse, étirée dans le temps » fut jugée plus fertile, pour montrer que Monoprix est « au cœur de la vie des gens » depuis 85 ans en étant « au cœur de la ville ». Ce qui n’est autre que la signature de la campagne.

Une rencontre amoureuse, pour qu’elle paraisse authentique, doit être émotionnelle. Il a alors été question du format du spot. « L’émotion se crée difficilement en 30 ou 45 secondes. L’objectif des 90 secondes a donc été retenu avant tournage » comme le dévoile Jean-Patrick Chiquiar.

Après tournage, le duo de réalisateurs de Thirty Two et la production d’Insurrection (ex les Télécréateurs) montrèrent une version de 3 minutes du film sans informer l’agence de ce dépassement significatif de format. Jean-Patrick Chiquiar, Gilles Fichtberg et leur équipe ont alors eu un véritable « coup de cœur pour l’enfant, convaincant dès le casting, et tellement juste dans toutes ses scènes. » Mais à la vision du film, ils se dirent « qu’il manquait quelque chose, et qu’il fallait opter pour un montage plus long. » Ce qui donna un montage de 4 minutes tel quel nous le connaissons.

Ce montage a été présenté à l’équipe de Monoprix comme une version 90 secondes. Attentif puis captivé, le public du jour déclara en chœur : « c’est fou, on ne voit pas passer les 90 secondes ! » L’agence révéla alors qu’il s’agissait d’un film de 4 minutes. Après cette démonstration osée de la force du storytelling, le format a été acté.

Le plan média et l’amplification

À la surprise de Florence Chaffiotte, le budget média de la campagne fut divisé par deux à quelques jours du lancement du projet. Il a donc fallu être malin et « mettre en place un plan média particulier avec l’agence Blue 449 ». « Une exclusivité a été signée avec M6 Publicité pour la diffusion TV sur les chaînes du groupe avant des programmes en affinité avec Monoprix. » Ce qui a permis ici à l’annonceur d’obtenir de bonnes conditions d’achat, et au final 15 écrans de 4 minutes. L’objectif n’était donc « pas de jouer la répétition mais la couverture ». La direction marketing de Monoprix était convaincue que « l’attrait du film allait générer du earned media ensuite ».

Le plan média comprenait également une diffusion cinéma dans 308 salles UGC (spot de 4 min) et Gaumont (spot de 90 secondes). D’un point de vue numérique, une diffusion sponsorisée a été mise en place sur Facebook, YouTube, en display et via des opérations spéciales avec Minutebuzz et Creapills notamment.

Pour assurer des retombées média, un kit RP contenant un morceau de la pellicule originale du film a été envoyé à plus de 50 journalistes (dont la Réclame, ouf !). De quoi susciter de l’attente et prouver la singularité du projet, tant un tournage en 35mm et non en numérique est rare de nos jours.

Résultats

– Avec « seulement 35 GRP TV, une audience potentielle globale de 58,6 millions de personnes » (tous médias confondus)

– +3% à +4% de trafic en magasin pendant toute la période anniversaire des 85 ans.

– Le 1er samedi suivant la diffusion du spot, la fréquentation en magasin a été équivalente au 31 décembre qui représente chaque année un pic pour Monoprix.

– 11,4 millions de vues des vidéos en ligne la 1ère semaine, dont 1 millions le premier jour

– 2 millions de vues pour les fins alternatives en digital

– Le post test en affichage a été le meilleur pour une campagne en 5 ans, que ce soit en agrément ou en reconnaissance. Le film n’a pas été post-testé, « vu les résultats exceptionnels, cela ne nous est pas apparu comme nécessaire » selon Florence Chaffiotte.

– 7,2M d’impressions potentielles sur Twitter, avec comme principaux mots clés : #laitdrolelavie, @monoprix et monoprix

– 26 000 tweets la 1ère semaine

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– 64 retombées presse, dont de nombreux médias généralistes / grand public

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– Gold en Entertainment aux Cannes Lions

– Quelques anecdotes : une demande en mariage à partir des mots des packs, un long message répondeur laissé à l’agence par une inconnue pour simplement remercier l’équipe « pour ce super moment »…

Les clés de succès

– Une prise de risque très organisée

Comme l’explique Jean-Patrick Chiquiar, avec de telles contraintes, notamment de budget média, « rationnellement, il aurait fallu faire l’inverse. Ne pas tout confier à une unique régie TV, ne pas partir sur un film de 4 minutes… notre stratégie média a été rupturiste ».

Mais à partir d’une telle manière créative, il était quasi impossible pour le duo annonceur-agence ne pas aller au bout de la démarche : « nous aurions très mal vécu d’avoir un seul passage, cela aurait pu paraître gratuit en termes d’intentions. »

Au final, comme l’explique le co-fondateur de Rosapark, cette prise de risque a été rendue possible par le fait « que le film a été protégé au sein de la campagne. L’affichage avec son jeu-concours a eu une approche plus promotionnelle. L’affichage en magasin encore plus. » Au final, ces autres volets ont permis au film d’être dédié uniquement au lien entre Monoprix et ses clients, et non à la promotion.

 

– De l’entertainment

À la surprise générale, le film, pourtant ni traduit ni sous-titré a été partagé à l’international. « Les anglo-saxons se sont notamment appropriés le film sans totalement en comprendre tous les messages » comme l’indique Jean-Patrick Chiquiar.

Pourquoi un tel engouement ? Car il s’agit avant tout d’un court métrage – certes publicitaire – mais qui représentait un vrai moment de divertissement. Florence Chaffiotte indique d’ailleurs que l’interne ainsi que les clients évoquaient « le petit film Monoprix, et jamais une publicité ».

Alors que le spot aurait probablement mérité davantage dans la catégorie Film de Cannes, la campagne a remporté un Gold en Entertainment. « Une catégorie particulièrement difficile, car elle prend avant tout en compte l’envie du public à dédier volontairement du temps à un projet, et non plus à être interrompu par une publicité » selon Jean-Patrick Chiquiar. Il est donc ici question de « dépenser son temps qualitativement » ce qui est totalement en phase « avec l’expérience que Monoprix souhaite offrir à ses clients » pour Florence Chaffiotte.

 

– L’Adhésion du public

Rosapark a relevé une grande majorité de commentaires positifs « générant automatiquement des partages » pour Jean-Patrick Chiquiar. Montrant ainsi pour le co-fondateur de Rosapark, que « quand la publicité est bien faite, qu’elle fait écho à la vie des gens, celle-ci fonctionne. Les publiphobes visent avant tout les mauvaises publicités. »

Le halo positif, la « cote d’amour » autour de la campagne a même couvert les critiques habituelles autour de la politique de prix de Monoprix selon l’agence, qui constituaient l’essentiel des commentaires négatifs lors de toute campagne.

 

– Le bon duo annonceur-agence

La dernière clé de succès de cette campagne ? Que ce soit côté agence ou annonceur, « incontestablement l’équipe ». Comme l’explique Jean-Patrick Chiquiar, « souvent entre idée et le projet, les aléas de la relation et de la production dégradent l’idée. Là c’est l’inverse. » Chacun a apporté individuellement au projet, et a su être à l’écoute, notamment quand il a fallu passer d’un format 90 secondes à 4 minutes, ou encore composer un plan média inédit (ce qui est revenu à l’agence Blue 449). « La musique faisait même partie de la shortlist de notre partenaire synchro, alors qu’aucune image ne soit tournée ».

Florence Chaffiotte y voit la naissance d’un collectif, qui monte en puissance après chaque campagne : Pokémeon Go, Monoprix vs Amazon Go et désormais les 85 ans. La suite au prochain épisode ?

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Letter to to the Future pour Accor

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