Comment Un Illustre Inconnu a remis au goût du jour l’earned media Facebook

Par Xuoan D. le 21/05/2015

Temps de lecture : 6 min

Pour le lancement du film Un Illustre Inconnu, l’agence Darewin a conçu une campagne aussi efficace qu’angoissante : en ne ciblant que 40 personnes, 10 millions de personnes ont été exposées à un débat autour de l’identité numérique. Le tout sans le moindre investissement publicitaire. Faisons-en le bilan aujourd’hui avec Wale Gbadamosi Oyekanmi, fondateur et directeur de création de l’agence.

 

Résultats
1 500 000 € d’équivalent d’achat média avec 0 € de budget
Avec seulement 40 demandes d’ajout, 10 millions de personnes ont été touchées
60 articles de presse dans des publications telles que Challenges, Libération, Le Point.
1,5 million de personnes touchées via les retombées radio
2,4 millions de personnes touchées via les retombées TV
Plus de 3 millions de personnes atteintes sur les médias sociaux
Le 16 Octobre, #kassovitz est apparu en trending topic Paris sur Twitter

– Quel était le brief de Pathé Films ?

Pathé Films souhaitait développer la notoriété et l’envie autour du film Un illustre inconnu. L’enjeu était particulier pour eux car le thriller n’est pas un genre très populaire en France. Et cela même en la présence de Mathieu Kassovitz dans le casting, et de Matthieu Delaporte comme réalisateur ou Alexandre De La Patellière comme scénariste (les 2 co-réalisateurs du film Le Prénom). Un autre objectif était que le public se familiarise avec le principe du film qui n’était pas toujours retenu à la 1ère vision de la bande annonce. Enfin, une sortie de film se joue lors des 2 premières semaines d’exploitation. Nous devions mettre en place une opération immédiatement impactante et virale. Pour cela notre idée a été d’activer 40 influenceurs en les confrontant à leurs clones Facebook, mettant directement en perspective la question de l’identité numérique. Mathieu Kassovitz s’occupant du reveal – une vidéo personnalisée par un influenceur – pour mieux faire le lien avec l’univers et la bande annonce du film.

– Comment vous est venue l’idée ?

Comme dans toute agence de communication, pour un tel pitch, un planner a recherché quel était l’insight, le point d’entrée. Et un team créa – Damien et Fabienne, les « DesF » – ont imaginé le concept. Après avoir passé beaucoup de temps à étudier le film, car c’est une spécificité de l’agence : nous avons besoin de nous imprégner de chaque « produit » pour lequel nous sommes interrogés, pour mieux intégrer et prolonger le storytelling existant.

L’usurpation d’identité qui est le thème central du film a une belle résonance en numérique. Nous nous sommes demandés comment créer un débat et toucher le maximum de monde. L’usurpation d’identité ne pouvait se faire que via le réseau social qui en sait le plus sur nous : Facebook.

 

– Ne cibler que 40 influenceurs, ne rien investir en média, un terrain anxiogène et juridiquement limite… comment avez-vous réussi à convaincre Pathé de mettre en place une campagne aussi risquée ?

Il s’agissait pour nous d’une expérience et non d’une simple campagne social media. Or une expérience se doit d’être vécue, y compris par notre entourage. Une expérience vaut 100 fois plus qu’une vidéo qui elle-même vaut 100 fois plus qu’un Powerpoint…

Le 1er test grandeur nature a été réalisé… sur le client, en amont du rendez-vous de présentation de la campagne. Quelques heures avant le rendez-vous, il a reçu sur Facebook une demande d’ajout d’ami de son double numérique, et sa réaction lui a permis de comprendre instantanément le potentiel de la campagne. Ce n’était même plus nécessaire de venir présenter l’opération avec des slides.

Cela fait partie de notre méthodologie que de faire vivre l’expérience autour de nous et notamment sur le client. (ndlr : Darewin avait déjà testé l’attaque de zombies de Walking Dead auprès des comptes de NT1, quelques heures avant un rendez-vous…). Cela s’apparente à du prototypage. A chaque expérience réalisée, nos campagnes s’améliorent. Nous l’avons aussi testée auprès de « coworkers », des comptables qui partageaient alors nos locaux. Si un point de l’expérience n’est pas compréhensible par ces publics étrangers à notre univers, il faut le retravailler. Idem, nous testons énormément sur mobile. Nous ne savons jamais sur quel device sera une personne ciblée à un moment donné. L’expérience doit fonctionner sur desktop et mobile avec le même niveau d’exigence.

Le prototypage « live » nous a permis d’identifier qu’il fallait des garde-fous pour les influenceurs visés ne finissent pas tous par porter plainte au commissariat ! Au delà du lancement de film, il s’agit d’une campagne prévention choc, mais avant tout d’une campagne de prévention autour d’un sujet très actuel.

 

– Quels influenceurs ont été visés lors de la campagne ? Comment les avez-vous sélectionnés ?

Nous avons retenus des leaders d’opinion sensibles au sujet, au numérique, à la culture au cinéma. Ainsi que quelques médias généralistes, aidés par l’agence RP de Pathé Films.

Nous tenions à ne viser que quelques influenceurs. Cela n’aurait pas eu de sens de dupliquer les identités de 1000 personnes, de les contacter via un robot. Nous sommes adeptes du less is more.

Nous avons eu la chance de pouvoir tourner avec Mathieu Kassovitz une vidéo personnalisée pour chaque personne ciblée. Ce reveal incarné permettait de faire le lien avec le film mais aussi de lancer le débat autour de l’identité numérique, ce que Mathieu Kassovitz et l’équipe du film ont systématiquement fait lors de leurs passages TV (au Grand Journal notamment) ou radio.

 

– Avez-vous été surpris par certaines réactions ?

Pas réellement, car le prototypage avait permis d’anticiper la plupart des réactions. Nous savions que l’impact serait très fort, que le public nous poserait des questions. Nous avons prévu une war room de 6 personnes pour suivre les réactions en live en compagnie du client.

Nous avons cependant été surpris par la rapidité et l’ampleur de la campagne, avec notamment le hashtag #kassovitz parmi les 10 tendances les plus populaires sur Twitter sur Paris. Le tout, rappelons-le en contactant que 40 personnes, et sans le moindre budget publicitaire.

Comme pour toute campagne populaire, il y a eu des réaction positives, des réactions négatives, au final relativement mesurées. La campagne aurait pu déraper si nous avions révélé des données privées. Hors tous les contenus présents sur les clones numériques étaient publics. Nous n’avons pas procédé à « l’outing » de profils Facebook. De plus, les profils créés n’ont été au final visibles que par les influenceurs ciblés et quelques uns de leurs amis.

 

– Vous évoquez un « débat national sur l’identité numérique » ?

Pour nous, le social media n’est pas une question de plateformes ou d’identifier le dernier réseau social incontournable. Le social media représente davantage les liens que l’ont créé avec les gens, avec la possibilité de les rencontrer ensuite, et ici de les faire participer à un débat sur l’identité numérique.

Un des objectifs de la campagne était aussi d’inviter des influents à l’avant-première du film, à l’issue de laquelle un débat a été organisé avec Mathieu Kassovitz, Matthieu Delaporte et Alexandre De La Patellière. Le débat a aussi été porté lors de chaque retombée TV ou presse.

 

– Qu’est-ce qui est ici transposable à d’autres campagnes de com ?

1er enseignement : si Facebook est une plateforme arrivée à maturité, ce n’est pas pour autant que les marques sont condamnées à n’y publier que des statuts sponsorisées, à tenter de générer mécaniquement de l’engagement ou à y promouvoir leurs apps. Nous n’avons utilisé aucun de ces leviers, et pourtant, notre campagne a atteint 10 millions de personnes ! Ce qui est en phase avec notre vision que le social media est une superbe caisse de résonance, qui a avec le bon contenu permet de générer de l’earned media, avec des répercussions TV ou presse.

2ème enseignement : intégrer les talents et ambassadeurs de la marque fonctionne. La participation Mathieu Kassovitz a été clé.

3ème enseignement, le plus évident : à film risqué, acteur risqué, et enjeux décisifs, la meilleure réponse est de ne rien standardiser et d’oser une campagne risquée !

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Letter to to the Future pour Accor

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